Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Parties du folk traditionnel, les 3 filles de Laïs créent aujourd’hui leur propre terrain de jeu. Aérien et envoûtant.

Un estaminet anversois, un peu hors du temps. L’Escaut n’est pas loin, et le grand Jacques roule ses « r » dans les haut-parleurs. Jorunn Bauweraerts, l’épi blond de Laïs, est là, bientôt rejointe par Simon Lenski. Au printemps dernier, le trio polyphonique féminin et le violoncelliste, fer de lance de DAAU (Die Anarchistische Abendunterhaltung), scellaient leur rencontre artistique débutée 2 ans plus tôt par un premier CD commun. Anomalie dans un monde qui court en permanence, Laïs Lenski est une rêverie, une brume matinale. Il ne rentrera pas dans l’iPod: trop d’espace, de blanc, de silence. Par contre, il rincera une bonne fois l’oreille surstimulée, et accompagnera parfaitement l’écume de certaines journées blanches. Evidemment, le disque n’a que peu de chances de squatter les sommets des hit-parades. « C’est clair qu’en opérant de tels choix, on sait que le succès ne sera pas évident, reconnaît Jorunn Bauweraerts. Mais pour autant, on n’a jamais voulu faire quelque chose de compliqué ou trop cérébral. »

Envie d’ailleurs

De toutes façons, le succès, Laïs l’a déjà largement connu. Dès leur premier album en fait, vendu à quelque 50 000 exemplaires. Le trio anversois (Kalmthout) s’était formé quelques années auparavant, autour d’un amour commun pour la polyphonie et la musique traditionnelle, qu’elle soit néerlandophone, anglophone, ou francophone. « A la maison, j’ai une bibliothèque remplie de livres de vieilles chansons flamandes, de bouquins de textes anciens, de chansons traditionnelles. J’aime cette langue archaïque. C’est un autre monde. Des gens comme Nick Cave vont aussi régulièrement piocher dedans. »

Il y a 5 ans, les 3 filles ont cependant commencé à se sentir coincées. Ou en tout cas à l’étroit. « On a débuté quand on avait seulement 15 ans! On était encore des gamines. Forcément, après un temps, chacune évolue, écoute d’autres choses, développe d’autres envies… Pendant longtemps, par exemple, je ne me suis pas considérée comme une vraie chanteuse. Et si je l’étais, c’était tout entier au bénéfice de Laïs. Je chantais pour le groupe, mais jamais pour moi. A chaque fois, les voix étaient « noyées » dans le mix. Quand je réécoute ça aujourd’hui, j’ai parfois l’impression d’entendre les schtroumpfs » (rires).

La mue était donc inévitable. Elle a débuté avec l’album précédent, The Ladies’ Second Song’. Elle est encore plus spectaculaire sur Laïs Lenski. Entre musique contemporaine et traditionnelle, reprise de Nico à la PJ Harvey ( All That Is My Own) et berceuse country à la Emmylou Harris ( Didn’t Leave Nobody But The Baby), Laïs balise son propre territoire. Avec le violoncelle de Simon Lenski pour tisser la toile aérienne, laissant à chacune assez de place pour exprimer enfin son individualité dans le collectif. Et puis… « Au départ, seuls comptaient le son et le rythme des mots. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. On choisit des airs et des textes dans lesquels on peut s’investir davantage émotionnellement. » Cela s’entend…

Laïs Lenski, Bang!. En concert, le 26/08, au Feeërieën, Parc Royal, Bruxelles.

Laurent Hoebrechts

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