Avec Dan Le Sac vs Scoobius Pip, le hip-hop british se fait bancal et goguenard. RENCONTRE JULIEN BROQUET, à NEW YORK

« Tu n’arrêteras point d’aimer un groupe parce qu’il est devenu populaire. Tu ne placeras point de musiciens sur un ridicule piédestal… Tu ne penseras point qu’un homme de plus de 30 ans qui joue avec un enfant qui n’est pas le sien est un pédophile. Certaines personnes sont juste sympa… »

Selon la bible, Dieu aurait gravé ses dix commandements dans la pierre. Bien plus drôle et impertinent, Scroobius Pip a gravé les siens sur CD. L’air de rien. L’air du temps. Celui d’un hip-hop anglais décomplexé.

« Les Beatles étaient juste un groupe. Led Zeppelin… Juste un groupe. Les Beach Boys… Juste un groupe. Les Sex Pistols… Juste un groupe », martèle le bonhomme sur Thou Shalt Always Kill, tube jouissif et bancal au name-dropping provocateur.

« Si la musique peut changer la vie des gens, ceux qui la créent et l’interprètent sont des mecs ordinaires », commente-t-il à New York, dans Union Square, entre les écureuils et les joueurs d’échec, bercé par le chant des oiseaux et le cri strident des sirènes.

Scroobius Pip, de son vrai nom David Meads, est un grand Anglais sympa légèrement bègue à la peau pâle et à la barbe de prêcheur. « Gamin, j’étais méchamment atteint de bégaiement, confie-t-il. J’ai dû apprendre à anticiper. Je réfléchis sans cesse à ce que je vais dire pour éviter les mots sur lesquels je vais buter. Ça a étoffé mon vocabulaire. »

Le lascar, 26 ans, vit toujours chez sa mère. Il vient de Stanford-le-Hope. Comme son comparse, en charge des beats, le petit Dan Le Sac. « Nous avons grandi dans la même ville sans vraiment nous connaître. Puis, nous avons travaillé dans le même magasin de disques. Mais sans prendre conscience de ce que faisait l’autre musicalement parlant. C’était un HMV. Pas très underground, j’en conviens. Il était toutefois réputé pour avoir plus de back catalogue et de vieux trucs que les autres. Dan a déménagé et je suis resté dans l’Essex. Histoire d’épargner assez de pognon que pour me payer mon premier album solo. »

à l’écoute du monde

No Commercial Breaks, disque de spoken word saupoudré de rythmes hip-hop voire jazzy, a vu le jour en 2006. Scroobius l’a tiré à un millier d’exemplaires. Il les a vendus lui-même. De la main à la main et en les envoyant personnellement par la poste.

« J’ai alors commencé à tourner et Dan m’a booké pour un concert à Reading. Ce soir-là, il avait remixé un de mes titres. Avec un truc de Bloc Party si je me souviens bien. J’ai adoré. Et on s’est créé un MySpace commun. »

A l’heure qu’il est, le duo vient de sortir son premier album, Angles. A travers ses textes, Scroobius parle de politique, de suicide, de religion, du comédien british Tommy Cooper. « Nous avons aussi une chanson d’amour sur le fait de ne pas être amoureux. Même quand j’évoque des sujets communs, éculés, j’essaie de sortir des sentiers battus. Les gens sont prêts à écouter des paroles qui ont du sens et du fond. Pas juste des trucs qui parlent de flingues et de putes… Quand le grand public entend le mot hip-hop, il pense à 50 Cent. Certains imaginent peut-être que je fais la même chose que lui… »

Notre homme est plutôt l’héritier d’un rap « blanc ». Qu’il soit anglais ou américain. « Beaucoup de gens en Angleterre me comparent à The Streets. Ce qui est forcément frustrant. Mais Mike Skinner est un incroyable parolier. Un génial story teller. Sage Francis, pour moi, constitue l’influence ultime. Il m’a permis de comprendre, comme Saul Williams, qu’il ne fallait pas choisir entre le hip-hop et la poésie. Qu’on pouvait très bien faire les deux en même temps. Et même y mêler du jazz et du rock. »

Pour la petite histoire, Scroobious Pip (avec un « o » avant le « u ») est le titre d’un poème d’Edward Lear. Le nom d’une créature qui grandit dans la jungle sans savoir ce qu’elle est vraiment et sans que quiconque puisse l’aider à le deviner. Une belle métaphore pour définir comment l’Anglais entend mener sa barque et sa barbe.

www.myspace.com/lesacvspip

En concert au Pukkelpop le 16/08.

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