Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

NUIT MORALE – Mélancolique et prenant, superbe et douloureux, le nouveau Guédiguian nous emmène au bout de la nuit sur fond de kidnapping et de lourds secrets criminels.

De Robert Guédiguian. Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan. 1 h 42. Sortie: 9/04.La chanson des Rolling Stones, parue en 1966 sur l’album Aftermath, évoque à Robert Guédiguian (né en 1953) des souvenirs d’adolescence pimentés de rock rebelle et de premiers émois amoureux. S’il a donné ce titre à son nouveau (et très beau) film, c’est en hommage à une époque vue non sans nostalgie. Mais aussi sans doute pour le ton mélancolique d’une complainte dédiée à une héroïne que la voix prenante de Mick Jagger, le dulcimer joué par Brian Jones, célébraient avec une émotion non feinte.

La Lady du film habite Marseille et a les traits d’Ariane Ascaride, l’interprète fétiche de Guédiguian. Elle se prénomme Muriel et tient boutique dans un quartier calme de la ville. Un jour, son fils est enlevé. Incapable de réunir rapidement la somme exigée comme rançon, elle va faire appel à deux amis de jeunesse, avec lesquels cette mère de famille aux apparences tranquilles joua jadis les hors-la-loi. Tout en unissant leurs efforts pour faire libérer le gamin kidnappé, Muriel, François et René verront resurgir des souvenirs complices, une excitation oubliée, mais aussi – tandis que monte l’angoisse – des secrets profondément enfouis dans une mémoire que les événements tragiques en plein déroulement vont douloureusement ramener à la surface.

VENGEANCE

La vengeance est le thème central de Lady Jane, à coup sûr un des films les plus « noirs » mais aussi les meilleurs jamais réalisés par Robert Guédiguian. Empruntant au polar pour structurer un récit au suspense haletant et riche de scènes d’action fulgurantes, le cinéaste français d’origine arménienne creuse avec intensité ce sujet propre à nous emmener en voyage tout au bout de la nuit. Cette nuit morale où peut s’enfoncer l’être humain que les blessures pas ou mal cicatrisées poussent à rendre, même tardivement, même injustement, les coups reçus parfois longtemps auparavant. La générosité fondamentale du réalisateur de Marius et Jeannette fera qu’une lumière attende à la fin du tunnel. Mais le chemin parcouru avant de l’apercevoir sera très éprouvant pour Muriel et ses compagnons, idéalement campés par ces autres habitués de Guédiguian que sont Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan. La capacité de cette petite troupe d’acteurs à se renouveler tout en maintenant le fil d’une familiarité touchante ne cesse d’étonner. Il faut voir Darroussin retrouver les réflexes de braqueur de son personnage, Meylan durcir ses traits au moment de (peut-être) tuer, et Ariane Ascaride chercher désespérément dans son c£ur ravagé la force de pardonner. Ces trois-là sont superbes, de talent comme de vérité, et l’on oublie les souvenirs de leurs rôles passés pour vivre l’instant présent d’un film qui perturbe, bouleverse, donne à ressentir puis à réfléchir. Un grand moment de cinéma!

LOUIS DANVERS

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