L’écran nous parle des jeunes différemment. De débiles profonds ou d’innocents romantiques, ils deviennent marginaux, complexes, denses.

Les teen movies et teen soaps ont vécu. Les tartes aux pommes importunées par les hormones en ébullition des héros d’ American Pie peuvent dormir tranquilles. Parker Lewis perd parfois. Donna Martin a couché avec David Silver. Le Club des baby-sitters a été dissout. Pour ceux qui auraient raté un épisode, ça se passait dans Beverly Hills. Sur écran, sur les ondes et sur papier, les ados se montrent plus compliqués, tourmentés, éclopés. Ils flirtent davantage avec le danger. Ils sont aussi plus drôles, plus intéressants, et probablement plus vrais.

HORS CLICHéS

En tout cas, ils ont des choses à dire, et ils le prouvent plutôt bien. Juno, jeune fille marginale et enceinte, et son copain romantique et timoré, ont en bouche les mots et les situations imaginées par l’ancienne strip-teaseuse Diablo Cody, qui a offert au film l’Oscar du meilleur scénario original en février dernier. Il était donc vraisemblable que ses héros n’allaient pas nous jouer un remake du pays de Candy. Moins évident: ils ne sont pas stéréotypés. Dans une interview publiée sur le site Evene.fr, l’écrivain et blogueuse américaine raconte notamment qu’elle ne retrouvait pas la réalité des personnages masculins dans les teen movies traditionnels: « Particulièrement les jeunes garçons sont souvent dépeints comme étant très agressifs, des pitres, seulement intéressés par le sexe. C’est un cliché réellement usé. »

Et puis, surtout, il y a les filles. De pintades gloussantes et vierges effarouchées, elles tiennent maintenant la distance face aux mecs: jurent comme des charretiers, testent leurs limites et savent coller des gifles quand il le faut. Là où Larry Clark, dans ses films coup de poing ( Kids, Bully, Ken Park [… ] ), les dépeignait comme certes libérées, mais toujours quelque part victimes des garçons, la série Skins de Channel 4 – qui dépeint le quotidien d’une bande de potes de Bristol – les montre prêtes à s’amuser. « Dans Ken Park , le sexe est toujours associé à la violence, à la domination, à la manipulation, au manque affectif, ou à la névrose. C’est une réalité, mais pas toute la réalité », dit le médecin-écrivain-sériesphile Martin Winckler sur son site perso.

émoi, émoi, émoi

Et c’est vrai que les ébats décrits par les nouvelles fictions sont nettement plus réjouissants. Oublié, le rouge aux oreilles, le baratin, et la petite mort au sens propre. Dans le feuilleton Sugar Rush (Channel 4 aussi, et comme Skins, programmée bientôt chez nous sur Plug TV), l’héroïne se masturbe joyeusement avec sa brosse à dents électrique en pensant à une de ses copines, la sensuelle métisse Sugar. Dépravés, les nouveaux héros?

À voir. D’accord, ils sont libidineux, enfumés, souls plus souvent qu’à leur tour. Mais, et c’est là une lame de fond qui balaie tous les registres de la fiction, on s’en fiche. On ne leur fait subir aucune morale, ce n’est pas pour autant qu’ils sont des ratés (ils sont d’ailleurs souvent bons élèves). Ni que leur vie est tragique. Dangereux, le message? Pousse-au-vice? Peut-être. Mais il ne faut pas oublier que si ces séries dont tout le monde parle mettent en scène des ados, elles ne leur sont pas forcément destinées ( Skins est par exemple interdite aux moins de 18 ans en Grande-Bretagne).

Les adultes sont invités à se délecter d’histoires et de personnages autrement plus intéressants – et sans doute plus justes – que leurs homologues d’ American Pie et autres Premiers baisers.

TEXTE MYRIAM LEROY

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