La vie Savage

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21 Savage ne se laisse pas enfermer dans un certain air du temps avec un second album dont les flamboyances compensent aisément les facilités…

Ceux qui n’y voyaient qu’une mode passagère en sont pour leurs frais. Plus de dix ans après que le terme se soit popularisé, la trap music fait toujours parler d’elle. Même si elle ne donne plus forcément le ton et qu’elle laisse même de plus en plus l’impression de tourner en rond, elle exerce toujours une influence prépondérante sur la scène rap. Elle ne la résume pas, loin s’en faut, mais elle continue bel et bien de peser. Logique, au vu de la rupture brutale que la trap a provoquée. Elle a non seulement changé les meubles de place, mais aussi repeint toute la maison de fond en comble: en lieu et place des samples soul devenus superflus, des nappes synthétiques glaciales, un beat drogué tournant au ralenti, et des charlestons frénétiques. Même le flow des rappeurs a muté, zappant les acrobaties pour devenir une pâte vocale minimaliste et monotone. À certains égards, Savage 21 en est un bon exemple. Sa manière de poser, de faire tomber ses phrases, reste bien fidèle au modèle. Mais avec son nouvel album, le rappeur d’Atlanta démontre aussi qu’il y a moyen de céder au cahier des charges sans tomber forcément dans les clichés.

Entre les barreaux et le cercueil

À force de voir certains jeunes rappeurs malaxer leurs rimes nihilistes, et les réduire parfois à de simples onomatopées, d’aucuns -d’Eminem à J. Cole en passant par Snoop Dogg – ont commencé à ironiser et parler de « mumble rap » (littéralement, rap « marmonné »). Des sentences de 21 Savage, on comprend toutefois l’essentiel. C’est même très clair sur a lot, morceau sur lequel intervient… J. Cole, et qui ouvre son second album officiel i am > i was (qu’on prononcera I Am Greater Than I Was). « How much money you got? A lot/How many problems you got? A lot »… Ou encore plus loin « How many times you got shot? A lot »… En l’occurrence, Shayaa Bin Abraham-Joseph de son vrai nom (Atlanta, 1992), aurait pu être plus précis: ce sont bien six balles qu’il a reçues, tirées par le membre d’un gang rival, le jour de son 21e anniversaire…

La vie Savage

Car c’est bien de ce décor-là qu’il s’agit. Raccord avec une certaine frange de la scène rap qui semble de plus en plus coincée entre les barreaux et le… cercueil, Savage 21 dépeint un univers sombre et désenchanté. Une existence bousculée, entre violence omniprésente, prison, deal de drogues et guerre entre factions « concurrentes ». Passé aujourd’hui au rap, 21 Savage ne peut s’empêcher de remuer la boue. Parfois avec facilité (le sexisme « banal » d’ a&t, qui lui permet cette métaphore: « Bullets so big, I could be in Zone 6, fuck around and hit a nigga in Belgium »…), voire une certaine complaisance ( gun smoke). Ailleurs, Savage 21 se montre pourtant plus nuancé et complexe. C’est assez évident et explicite sur ball w/o you ( « I’d rather have loyalty than love ») ou letter 2 my momma, sur lesquels il baisse un peu ses défenses. Mais c’est encore plus intrigant sur des morceaux comme asmr, can’t leave without it ou all my friends (avec Post Malone). Là, 21 Savage cherche moins à résumer ses contradictions qu’à les poser telles quelles sur la table. À l’auditeur de faire le tri…

21 Savage

« i am > i was »

Distribué par Sony.

7

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