Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

QUêTE à L’ITALIENNE – Le cinéma italien continue à se chercher, entre tradition (La Sconosciuta) et modernité (Mon frère est fils unique).

De Giuseppe Tornatore. Avec Kseniya Rappoport, Michele Placido, Claudia Gerini. 1 h 53.

De Daniele Luchetti. Avec Elio Germano, Riccardo Scamarcio, Angela Finocchiaro. 1 h 43.

Le cinéma italien se cherche. Cette filmographie qui fut, jusqu’aux années 70, une des plus fécondes et des plus prospères d’Europe, n’a toujours pas retrouvé le souffle qui lui manque depuis quelques décennies déjà. Le film à grand spectacle historique dans les années 1910-1920, la comédie sentimentale dans les années 30, le néoréalisme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le règne des tout grands (De Sica, Fellini, Visconti, Antonioni), puis la comédie sociale des Risi, Monicelli et Scola dans les années 60 et 70, sans oublier le péplum, le fantastique (Bava, Argento) et le western façon Leone ou Corbucci, ont longtemps permis à la production italienne de tenir le haut du pavé. Mais la télévision tentaculaire, l’hégémonie hollywoodienne, les faiblesses internes d’un système où le renouvellement des générations n’était plus favorisé comme avant ont eu raison de ce confort et de ce rayonnement longtemps préservés.

Depuis, entre nostalgie d’une tradition rompue et essais de singularité, le cinéma made in Italy vit plutôt mal. Certes, de nouveaux talents fulgurants se manifestent, comme Emanuele Crialese ( Respiro, Golden Door) ou Saverio Costanzo ( In memoria di me, bientôt sur nos écrans). Certes aussi, Gianni Amelio ( Les Enfants volés, Lamerica, Mon frère) est l’un des meilleurs réalisateurs de son temps, et Nanni Moretti ( Caro Diario, La Chambre du fils) un auteur de tout premier plan. Mais rien de vraiment durable ne se produit, aucun effet global ne pousse vers le haut une cinématographie autrefois si florissante pourtant.

TROUVER SA VOIE

Les sorties en DVD de La Sconosciuta et de Mon frère est fils unique nous font retrouver deux cinéastes de la même génération. Giuseppe Tornatore est né en 1956, Daniele Luchetti en 1960. Le premier a connu le succès commercial avec Cinema Paradiso (1988), hommage sentimental au 7e art. Le second s’est révélé avec Le Porteur de serviette (1991), une satire politique mordante. Depuis, l’un comme l’autre se signalent sporadiquement à l’attention. Tornatore signe avec La Sconosciuta un thriller sur fond de réalité sociale dramatique. Il y prend pour héroïne une immigrante ukrainienne, victime d’un réseau de prostitution et devenant femme de ménage avec en tête un plan que nous ne dévoilerons pas ici… Avec des accents tragiquement vengeurs, le récit doit beaucoup de sa force à Kseniya Rappoport, interprète d’Irina.

Dans Mon frère est fils unique, Luchetti compose une admirable chronique familiale sur fond d’histoire politique italienne des années 60 et 70. Centré sur deux frères, l’un allant vers l’extrême gauche alors que l’autre glisse vers le fascisme, le film touche juste et bien. Remarquablement joué, il enrichit un genre choral où s’enracinait aussi Nos meilleures années (2003) de Marco Tullio Giordana.

Entre l’intime et le collectif, le cinéma italien continue donc de chercher sa voie. Et de parfois la trouver…

LOUIS DANVERS

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