Un cinéma d’auteur fécond a fleuri à l’ombre du modèle bollywoodien.

Ayant conquis une bonne partie du monde, de l’Asie à l’Afrique (et jusqu’aux salles du groupe Kinepolis, où des films comme Don ou Om Shanti Om ont été programmés ces dernières années avec succès), les films bollywoodiens se sont érigés en dépositaires quasi exclusifs du label « cinéma indien ». Ce dernier n’est cependant pas figé dans un moule unique. Plutôt que du cinéma indien, il conviendrait d’ailleurs de parler de cinémas indiens: une conséquence pratique de la fragmentation du marché local en différentes zones linguistiques (à l’£uvre dès l’avènement du parlant), d’une part; le reflet de la réalité d’une production aux contours et enjeux esthétiques divers, d’autre part. Dès les origines, des genres cinématographiques divers cohabitent d’ailleurs, avec alors une prédilection pour les sujets mythologiques. Sans qu’il y ait lieu aujourd’hui de contester l’hégémonie de la formule bollywoodienne, héritée de la tradition du drame populaire, et immuable dans son dosage de chansons, de danses, d’action et de romance, un autre cinéma, d’auteur celui-ci, s’est bientôt développé en marge de ce modèle dominant. La figure historique et emblématique en est évidemment Satyajit Ray qui, avec La complainte du sentier, en 1955, place l’Inde sur l’atlas mondial du cinéma, tout en s’affirmant comme un auteur majeur – l’un des plus grands que connaîtra le septième art, comme l’attesteront ensuite Les joueurs d’échec ou Le salon de musique, parmi d’autres chefs-d’£uvre.

une lignée prestigieuse

A la suite de Ray, de nombreux cinéastes ont nourri le volet auteuriste de la production indienne. Parmi les tenants « historiques » de ce courant, on pointera des réalisateurs comme Ritwik Ghatak et autre Mrinal Sen (1), dont l’£uvre bénéficie d’un certain rayonnement international. Il faut toutefois attendre les années 80 et 90 pour que la notoriété des auteurs indiens dépasse le cadre des cercles cinéphiles pour atteindre une reconnaissance plus large: Mira Nair montre la voie en 1988 avec Salaam Bombay, avant de récidiver, une quinzaine d’années plus tard, avec Monsoon Wedding, Lion d’or à Venise. De son côté, Shekar Kapur signe entre-temps une enivrante biographie de Phoolan Devi, La Reine des bandits, avant de donner un tour résolument anglo-saxon à son parcours (on lui doit notamment Elisabeth). Quant à Deepa Mehta, elle livre une fascinante trilogie des éléments – Fire, Earth et Water – ancrée dans la réalité indienne.

A ces auteurs s’en ajoutent d’autres, plus radicaux, comme Buddhadeb Dasgupta ( Charachar, Uttara), venus témoigner, si besoin en était, d’une appréciable diversité de sensibilités. Si les grands films bollywoodiens imposent incontestablement leur magnificence – il faut impérativement avoir vu Lagaan, monument d’Ashutosh Gowariker -, la route du septième art conduit à des Indes multiples…

(1) On pourra voir Mrinal Sen ce 16 mai, à 22 h 45, sur la deux, dans le cadre de Zoom arrière sur le cinéma indien. L’émission propose un documentaire de la série Neuf Millions tourné en 1974, mais aussi un extrait du Carrousel aux images de mai 1982.

JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

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