NIGEL COLE PROLONGE LA TRADITIONBRITANNIQUE DE LA COMÉDIE SOCIALE AVEC UN MADE IN DAGENHAM OÙ S’ILLUSTRE LA PÉTULANTE SALLY HAWKINS.

A côté d’un cinéma réaliste explorant la société jusque dans ses entrailles, et dont Ken Loach est le représentant le plus méritoirement célèbre, la production britannique a développé la tradition nettement plus légère mais généralement fort plaisante d’une comédie sociale conjuguée sur le mode populaire et tonique. Made In Dagenham, évocation plaisante du combat des ouvrières de Ford pour l’égalité des salaires à la fin des « swinging sixties », s’inscrit à merveille dans cette tradition locale n’ayant pas vraiment d’équivalent ailleurs. Son réalisateur, Nigel Cole, avait déjà commis les assez mémorables Saving Grace (Blenda Blethyn en femme au foyer se lançant dans la culture du cannabis!) et Calendar Girls (des ménagères comme il faut décident de poser nues pour un calendrier…). C’est donc un dangereux récidiviste de la gentille provoc’ féministe et de l’humour social façon The Full Monty.

 » L’histoire de ces femmes, de ces ouvrières parties en grève pour obtenir l’égalité des salaires, personne ne s’en souvenait, personne ou presque ne l’avait racontée!« , explique le réalisateur en avouant que lui-même ( » citoyen plutôt bien informé et à la sensibilité de gauche« ) ignorait tout de cette lutte pourtant non dénuée de sens et d’importance dans l’histoire sociale du Royaume-Uni.  » C’est une émission de la BBC, programmée en 2003, qui est venue nous rappeler ces événements« , poursuit Nigel Cole.  » Elle s’appelait The Reunion et donnait la parole à plusieurs protagonistes de la grève de 1968.  » Le succès de ses 2 premiers films avait valu au cinéaste un billet pour Hollywood, où il avait mis en scène 2 films peu marquants ( A Lot Like Love et Five Dollars A Day).  » J’avais besoin de revenir à la maison et de renouer avec ce que je préfère« , reconnaît celui que les histoires de femmes rebelles aux conventions inspirent décidément.  » Quand on vous confie un film en Grande-Bretagne, on vous fiche bien plus la paix, et vous avez bien plus l’impression de travailler en équipe, en communauté, car tout le monde veut vraiment faire le même film!« , explique Cole, pour lequel cette atmosphère bien différente de celle rencontrée aux Etats-Unis a été  » très propice » au traitement du sujet choisi pour Made In Dagenham.

We Want Sex!

Le titre de travail du film fut d’abord Dagenham Girls. Il fut ensuite question qu’il s’appelle…. We Want Sex, amusante et joyeusement provocante idée venue d’un gag dans le film, où une banderole portant le slogan « We Want Sexual Equality » se pliait pour prêter à une lecture aussi erronée qu’abrégée…  » Il faut avouer qu’avec un titre pareil sur la couverture, il ne fallait pas beaucoup d’efforts pour que le scénario soit lu!« , rit le réalisateur qui est arrivé sur le projet après sa principale interprète Sally Hawkins.  » Le talent et le tempérament de Sally étaient idéaux pour relayer le mélange d’esprit et d’irrévérence, d’humour et de combativité, d’excitation et de vitalité qui marque l’action des femmes de Dagenham« , commente Nigel Cole. Lequel insiste sur sa volonté de  » faire du film une célébration de cette révolte oubliée, plutôt qu’une leçon d’histoire sérieuse, ou une complainte sur l’injustice subie…  »  » Il ne faut pas avoir honte de faire du cinéma populaire!« , clame le cinéaste, qui a surtout voulu  » éviter de prêcher des convaincus, tourner un filmqui ne serait apprécié que des lecteurs du Guardian (1) et de quelques syndicalistes. »

Un carton en fin de générique témoigne du fait que Ford est devenu « un employeur modèle ». Cole sourit à l’évocation de ce message conciliateur.  » Le capitalisme à l’£uvre dans les usines Ford des années 60, et dans plein d’autres entreprises, était marqué par des méthodes paternalistes et patriarcales« , conclut-il.  » Dans ce contexte, il était logique que des femmes soient à la pointe des revendications. Des femmes qui toutes, une fois le conflit achevé, ont repris le travail. Aucune d’entre elles n’a fait valoir son action dans un livre, dans les médias. Elles appartenaient à la classe ouvrière. La révolution? C’étaient des enfants de la classe moyenne et de la bourgeoisie qui en rêvaient à l’époque!« l

(1) QUOTIDIEN BRITANNIQUE DE GAUCHE, COMPARABLE AU MORGEN EN FLANDRE.

RENCONTRE LOUIS DANVERS

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