La reine et le duc

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Un portrait kaléidoscopique de la reine Elizabeth et une comédie sociale inspirée: Roger Michell tire sa révérence sur deux films résolument british.

Disparu inopinément en septembre 2021 à l’âge de 65 ans à peine, le réalisateur d’origine sud-africaine Roger Michell (Nothing Hill) laissait deux films posthumes très différents quoique résolument british l’un comme l’autre: la comédie sociale The Duke et le documentaire Elizabeth: A Portrait in Part(s). Réalisé quelques mois avant sa mort à la faveur du jubilé de platine marquant les 70 ans de règne de la reine Elizabeth II d’Angleterre, Elizabeth s’appuie sur une impressionnante collection de documents d’origines diverses pour en composer le portrait éclaté. Passionnant, le film rembobine dans un montage dynamique découpé en chapitres aux titres imagés (In the Saddle, Horribilis…) les archives officielles d’un règne entamé le 2 juin 1953, qu’il assortit d’images privées mais aussi d’autres, empruntées à la pop culture qui eût tôt fait de s’approprier le personnage, décalage éventuel à la clé. L’intérêt de l’entreprise est multiple qui, s’agissant de la cheffe d’État restée la plus longtemps en fonction dans l’Histoire contemporaine, la pose en gage d’une certaine continuité dans un monde en révolution permanente. Cela, non sans la montrer à l’occasion sous un jour plus surprenant, rarement à court en tout cas d’un sens de l’humour qu’elle avait particulièrement aiguisé. Manière aussi, sans doute, de ne pas se laisser étouffer par les raideurs de l’institution qu’elle était inévitablement devenue, et dont ce film, lui rendant hommage sans verser dans l’hagiographie stérile, dévoile, avec un nuage d’ironie, l’envers du décor. Un document à savourer en complément de The Queen, de Stephen Frears, et de la série The Crown.

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The Duke gravite pour sa part autour du duc de Wellington, ou plutôt du portrait qu’en avait peint Goya dans les années 1810. Une toile exposée à la National Gallery, à Londres, objet, en 1961, d’un larcin audacieux sur lequel Scotland Yard allait se casser les dents plusieurs années. Et pour cause, nul ne pouvant imaginer qu’un paisible et gentiment excentrique chauffeur de taxi retraité de Newcastle, Kempton Bunton, avait dérobé la toile, croyant tenir là un moyen de pression infaillible sur les autorités afin de faire supprimer la redevance télévisée pour les seniors. Hautement improbable mais véridique, le fait divers rocambolesque inspire à Roger Michell un modèle de comédie à l’anglaise, entre implications sociales et excroissances burlesques. Un registre dans lequel excelle Jim Broadbent, cabot juste ce qu’il faut sous les traits de Bunton, non sans trouver à qui parler en Helen Mirren, distribuée à contre-emploi dans le rôle de l’épouse, effacée mais n’en pensant pas moins, du Robin des Bois du Northumberland. Un petit bijou.

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Elizabeth: a Portrait in Part(s)

De Roger Michell. 1 h 29. Disponible en Blu-ray, DVD et VOD.

7

The Duke

De Roger Michell. Avec Jim Broadbent, Helen Mirren, Matthew Goode. 1 h 35. Dist: Remain in Light.

7

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