APRÈS AVOIR SURMONTÉ PANNE D’INSPIRATION, CRISE DE CONFIANCE ET CORPS QUI LÂCHE, ZACH CONDON NOUS REVIENT AVEC NO NO NO. UN QUATRIÈME ALBUM AUX ALLURES DE RENAISSANCE.

Un divorce, un séjour à l’hosto, des doutes, beaucoup de doutes, et une lente reconstruction. Zach Condon en a bavé avant de pouvoir offrir un successeur à The Rip Tide (2011). A coeur ouvert, attablé dans le bar bruyant de l’hôtel Métropole, l’Américain évoque No No No. Disque direct, spontané et beirutien d’un mec simple à qui le succès est tombé sur la tête à 19 ans.

En décembre 2013, dans quel état d’esprit es-tu quand, épuisé, tu te retrouves dans un hôpital australien et dois annuler le reste de ta tournée?

Je me sens piégé sur la route. J’ai l’impression de ne plus pouvoir accoucher de quoi que ce soit créativement parlant. Même physiquement, mon corps se déglingue. Je n’en ai pas pris beaucoup soin. Je suis effrayé. Je suis à Sydney. Je pense que j’ai un avion le lendemain. On était en vadrouille depuis trois ans. J’avais tenté de retourner à la maison pour enregistrer, mais rien ne s’était passé. Pour tout te dire, j’essaie de ne pas trop me souvenir.

Tu te pensais faible ou avais l’impression d’imposer à ton corps un rythme inhumain?

Je me suis toujours demandé comment à la fois tourner et créer de la musique. C’est effrayant quelque part. Disons que ma profession n’est pas une chose pour laquelle je suis fait.

Tu coinçais sur quoi?

Je séchais sur les textes, mais aussi sur la musique. J’ai participé au festival Coachella en 2012. J’ai enregistré cinq chansons. A chaque fois que je rentrais de tournée, je voulais les terminer. J’allais au studio tout seul. Je m’asseyais. Rien ne venait. C’était à se taper la tête contre les murs. J’étais terrifié à l’idée d’écrire des paroles et de composer la moindre mélodie. Alors, j’ai enregistré des instrumentaux et encore d’autres instrumentaux. Jusqu’à avoir douze ou treize morceaux sans la moindre voix. J’en étais arrivé à penser que je ne savais pas chanter. J’étais convaincu d’être un interprète désastreux. Je devenais fou. (long silence) Je devais jeter tout ça et c’est ce que j’ai fait. J’ai tout enterré. Je n’ai gardé qu’une seule chanson: No No No. Je ne pouvais rien décider de mieux. Nick et Paul, mon batteur et mon bassiste, sont venus à mon secours.

Comment?

Ils m’ont imposé des horaires. Nous allions au studio de répétition tous les jours comme des employés de bureau. Là, nous jouions tout ce qui nous passait par la tête. Peu importe si c’était la chose la plus stupide au monde. Une fois ce rythme trouvé, la pression évacuée, tout était écrit en deux mois. Il fallait que je reprenne confiance. Je nageais en plein doute. Je m’étais toujours posé beaucoup de questions sur plein d’aspects de ma vie mais, concernant la musique, j’étais assez sûr de moi. Avant, je me disais: merde ça donne trop évident au piano. Je vais prendre un instrument plus obscur pour celle-là… Et tout doucement, je me suis mis à penser que des fans me tourneraient le dos et ne me reparleraient jamais si je me contentais d’un clavier et d’une guitare. Cette fois, j’ai laissé sortir les mélodies. En grandissant, je voulais devenir les Beach Boys ou pour parler plus moderne les Magnetic Fields… J’ai permis à ma musique de sortir naturellement.

Avec le recul, tu sais comment ces doutes se sont immiscés en toi?

Je pense que c’est une combinaison. Une combinaison des trucs merdiques qui m’arrivaient à l’époque (il a notamment divorcé, NDLR) et de ces salles de plus en plus grandes dans lesquelles je jouais. J’étais effrayé, j’imagine. Il y a un moment où tu perds le contact avec les gens, où tu dois réapprendre les choses. Tu as l’impression d’être une feuille prête à tomber.

Tu t’es notamment ressourcé en Turquie…

J’y vais tous les étés depuis trois ou quatre ans. C’est de là que vient ma fiancée. Elle a une grande famille et on se soutient là-bas. L’idée était de ne pas toucher à la musique. Juste de faire connaissance avec ses proches, de découvrir Istanbul, d’apprendre quelques mots de turc… J’étais en vacances. J’avais apporté un ukulélé, mais je n’ai pas composé de chansons dessus. Je ne vais pas dire que j’ai essayé de m’immerger dans la culture. J’ai lu beaucoup. Notamment Mon nom est rouge d’Orhan Pamuk. J’ai énormément marché. Jusqu’à en être fatigué. Et j’ai assisté aux mouvements de protestation du parc Gezi. Tous les soirs, à 21 heures, tout le monde tapait sur des casseroles et des poêles depuis ses fenêtres. Partout. Chaque jour, tu avais ce gonflement, ce regain d’énergie. C’était incroyable.

Tu as ensuite enregistré No No No à New York pendant l’hiver le plus rude que la ville ait connu depuis longtemps.

Même avec mes démos, j’avais toujours l’impression de baigner dans un grand bordel schizophrène. J’ai cherché un producteur pour remettre de l’ordre dans mes idées. Et j’ai trouvé ce mec génial, Gabe Wax, dont le studio préféré se situe à quatre blocs de chez moi. Heureusement… Toutes les heures, tu avais 30 cm de neige de plus devant la porte. Les voitures étaient coincées, abandonnées dans la rue. C’était assez étrange après tout ce qui m’était arrivé de me reconcentrer sur la musique pendant cet hiver au calme le plus profond. New York vivait au ralenti. Certains jours, tous les magasins fermaient à 2 heures de l’après-midi. Tu avais l’impression, à Brooklyn, d’arpenter une ville fantôme. Je me souviens être rentré à la maison un soir sur le coup de minuit. Il n’y avait pas âme qui vive. Juste de la neige fraîche partout. J’avais la sensation d’avoir quitté le pays. C’était parfait pour s’isoler d’une ville bouillonnante qui ne dort jamais. La pochette de l’album, c’est le magnolia en face de chez moi qui est généralement en fleurs fin février. Quand on a eu terminé d’enregistrer, la neige a commencé à fondre. L’arbre à fleurir. Et j’avais cette nouvelle chose à donner. Une belle image, non?

NO NO NO, DISTRIBUÉ PAR 4AD.

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LES 14 ET 15/9 À L’AB (COMPLET).

RENCONTRE Julien Broquet

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