Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

QU’Y A-T-IL AU BOUT DU TUNNEL? FLYING LOTUS Y JETTE UN oeIL AVEC UN 5E ALBUM BOUILLONNANT, MÉLANGEANT ELECTRONICA, JAZZ ET HIP HOP. MORTEL…

Flying Lotus

« You’re Dead! »

DISTRIBUÉ PAR WARP.

8

Le « Jimi Hendrix de la musique électronique« . Toute comparaison a beau avoir ses limites, en rapprochant Flying Lotus du dieu de la guitare électrique, la DJ/journaliste de la BBC Mary Anne Hobbs n’avait pas tout à fait tort. Il n’est pas seulement question ici de dextérité musicale -Flying Lotus manierait aussi bien les séquenceurs Ableton qu’Hendrix ne faisait virevolter sa Stratocaster. Non, si l’un et l’autre ont quelque lien, ce serait surtout leur goût commun pour les trips psychédéliques.

Jazz cat

Après ses deux premiers albums –1983 (année de sa naissance), suivi de Los Angeles (sa ville)-, Flying Lotus, alias Steven Ellison, a semblé vouloir tendre de plus en plus vers l’abstraction et un certain mysticisme. Dans les faits, cela a donné Cosmogramma -l’infini et au-delà, pour l’une des meilleures plaques de 2010-, puis Until The Quiet Comes (2012), explorant le pouvoir de l’esprit. Avec You’re Dead!, le musicien franchit encore une nouvelle étape. Il s’agit en effet de s’attaquer à la mort, rien que ça… A 30 ans, Ellison l’a déjà pas mal fréquentée. Qu’il s’agisse de sa famille (il a perdu ses parents, sa grand-mère, et sa tante -et influence majeure- Alice Coltrane), de musiciens proches (le pianiste Austin Peralta, mort dans son sommeil en 2012, âgé de 22 ans à peine) ou de lui-même (dans le dernier numéro de Fader, il raconte avoir connu une near-death experience).

Les disques tournant autour du deuil ne manquent pas (de Songs for Drella de Lou Reed et John Cale au Funeral d’Arcade Fire). Avec Flying Lotus, le propos prend cependant une tournure plus métaphysique: y a-t-il une vie après la mort, et si oui, à quoi ressemble-t-elle? Le genre de questions qui génèrent des kilomètres de thèses philosophiques, mais donnent rarement de grands disques. Du chef-d’oeuvre à l’album fumeux, il n’y a qu’un pas. Ou dans ce cas-ci, un point. D’exclamation. C’est ce qui fait en effet toute la différence. T’es mort!, lance FlyLo, tel un gamin dans la cour de récré. Le geste musical est à la fois aussi grave et ludique que ça, à l’image du single Never Catch Me. Le flow du rappeur invité Kendrick Lamar y est plus viscéral que jamais, scrutant sa propre obscurité, mais le verbe se fait bravache, jamais morbide.

Morceau-charnière du disque, il est aussi le plus évident. Car pour le reste, You’re Dead! baigne dans un groove psychédélique tourbillonnant, nourri au hip hop, à l’électronique et au jazz, à écouter d’une traite. Le début du disque, en particulier, fraye avec l’esprit fusion seventies à la Weather Report. Herbie Hancock est ainsi de la partie sur Tesla et Moment of Hesitation. Le bassiste Thundercat, habitué de la maison, est omniprésent. L’album ne tourne pourtant pas à la démonstration technique ou à l’expérimentation aride. Il passe plutôt pour une grande marmite où mijotent les obsessions, soniques et philosophiques, du bonhomme. « Un poil auto-indulgent?, se demandait lui-même l’intéressé, sur Twitter. Absolument. C’est bien de ça qu’il s’agit. Il fallait que je raconte mon histoire. » Elle est en effet passionnante à écouter.

LAURENT HOEBRECHTS

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