40 ans que ça dure. 40 ans que chaque été, c’est le même manège: des hordes de jeunes convergent à pied, à vélo, en bus, en train ou en voiture vers des plaines transformées en poêle à frire ou en rizières tropicales pour se faire rincer les oreilles à grandes eaux sonores. Ils sont prêts à abandonner le nid douillet, les repas à la carte, et même Facebook, pour se faire piétiner, malaxer, et pour avoir la chance de respirer l’aisselle du voisin toute la journée. Que du bonheur! Pourquoi ce sacrifice, ritualisé en 1969 dans un bled de l’Etat de New York passé à la postérite quand 500 000 hippies, cheveux longs, idées extra larges, ont pris d’assaut une prairie pour trois jours de libations effrénées? En revoyant le documentaire de Michael Wadleigh sur Woodstock, on est frappé par la ferveur de cette marée humaine comme statufiée sur le champ où elle est venue s’échouer. On dirait une procession immobile. Ou un corps géant en proie à une transe souterraine. La ferveur est là, à fleur de gazon. Une énergie brute, primale, martelée par les déluges de décibels. L’amour de la musique n’explique pas tout. Le festival, c’est d’abord une collision permanente des corps, et donc des esprits, une sorte de magma fusionnel dans lequel les âmes s’abandonnent pour dériver au gré des ondulations de la masse. Un rite de passage et une expérience euphorisante. Qui s’enracine dans un fond archaïque, et réveille des souvenirs vieux de 10 000 ans. La musique semble souffler sur les braises de nos émotions enfouies. Et nous relier par baxter à un au-delà indéfini. Tout rappelle d’ailleurs le sacré dans la liturgie de ces rassemblements fiévreux: la scène remplace l’autel; l’artiste, le prêtre; la drogue, l’hostie. Mêmes gestes, mêmes sermons, mais en plus speedés. Question d’époque. Une quête de transcendance inoxydable. Les grandes messes du calendrier n’ont jamais attiré autant de pèlerins. Entre  » le meilleur festival du monde« , Werchter, et le plus métissé, Couleur Café, le menu belge est vaste, et le répertoire, élastique. A chacun sa chapelle. Et pour ceux que n’excite pas l’idée d’aller faire rissoler leurs instincts grégaires, il reste quantité d’autres occasions de se divertir, de s’échapper, de se retrouver. Focus en a épinglé les meilleurs dans ce numéro spécial. Qui est un peu la bible de votre été. Alléluia!

Par Laurent Raphaël

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