Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

DOCU-FICTION DE GÉRARD CORBIAU.

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Il y a tout juste 200 ans, soit le 6 novembre 1814, naissait à Dinant le Belge le plus important et le plus célèbre de l’histoire de la musique. L’inventeur de cet outil sensuel et sexuel qu’est le saxophone: Antoine-Joseph, dit Adolphe, Sax. Alors que le Musée des Instruments de Musique propose tout au long de l’année une expo qui lui est consacrée et organise même, en collaboration avec l’Ancienne Belgique, une série de concerts (Colin Stetson, Archie Shepp…) lui étant associés, la RTBF programme en ce jour anniversaire un étrange objet télévisuel exhumé des archives de la Sonuma. Réalisé en 1980 par Gérard Corbiau (mélomane averti à qui l’on doit depuis Le Maître de musique et Farinelli), Sax raconte la vie turbulente de ces gens qui font bouger les choses à travers une fiction documentaire appuyée sur des reconstitutions, des documents, des transpositions et des illustrations musicales (Paul Desmond, Coleman Hawkins…). Reposant sur des images, parfois poétiques, tournées dans des décors naturels en costumes d’époque mais tout en prenant soin de ne pas faire parler les personnages autrement qu’en voix-off (notamment celle de Philippe Geluck).

Certes un peu lent et austère, Sax ce découpe en trois épisodes d’une grosse demi-heure chacun, intitulés L’Héritage, L’Etranger et Le Jugement. Il revient sur l’existence improbable d’un enfant que la fatalité et la légende accablent de malheurs et qui échappe de justesse à la noyade, l’empoisonnement, aux brûlures et à une explosion pour marquer de son empreinte le cours de la musique. Améliorant les instruments à vent et créant la famille des saxophones. « Instrument qui par le caractère de sa voix pût se rapprocher des instruments à cordes, mais qui possédât plus de force et d’intensité que ces derniers. »

Ses débuts à l’atelier, centre du monde, où son père confectionne ses instruments, son invention (en 1838) d’une clarinette basse, son départ pour Paris seul et sans argent, les compliments, louanges même, de Berlioz. Puis aussi son influence sur les musiques militaires en France et l’entrée officielle de ses instruments à l’opéra. Les implications des revirements politiques sur sa carrière et les procès intentés par ses concurrents… Sax éclaire un homme qui ne voulait pas se contenter des secondes places. Un artisan qui ne craignait pas le gigantisme et les réalisations impossibles (pour preuve le saxhorn de trois mètres de haut qu’il présente à l’expo universelle de Londres). Et qui, comble de l’ironie, finit sa vie dans la pauvreté pour terminer sur nos billets de 200 francs.

JULIEN BROQUET

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