PLONGÉE MALIGNE DANS LES ENTRAILLES BIGARRÉES D’UNE MÉTROPOLEANIMALIÈRE, LE 55e CLASSIQUE D’ANIMATION DES STUDIOS DISNEY TRAITE AVEC HUMOUR ET PAR LA BANDE DE VIVRE-ENSEMBLE.

Samedi 30 janvier, Bruxelles. Il pleut sur la ville comme il pleure dans les coeurs encore avinés de la veille: salement. En soundcheck sur la place de la Bourse, Nicola Testa s’époumone avec une grâce fort relative devant trois musards détrempés: « We are rainbows! We are rainbows! » Chromo météo un brin absurde d’une capitale qui s’apprête à redonner tout en finesse « de la joie aux gens » via son improbable fête du piétonnier… A quelques rues à peine, Rich Moore et Byron Howard, rigolards, en ont en tout cas à revendre depuis le petit salon cosy de leur hôtel surchauffé. Le premier, cheveux en pétard et sourire carnassier, a fait ses classes à la télévision dans les Simpsons et Futurama chers à Matt Groening avant de pondre sous étendard Disney des Mondes de Ralph surfant habilement sur la vague du rétrogaming. Le second, ample tignasse et regard pétillant, a de son côté déjà coréalisé Volt et Raiponce pour le compte de l’oncle Walt. Ensemble, ils signent aujourd’hui Zootopie (lire la critique page 23), 55e classique d’animation des insubmersibles studios californiens s’inscrivant dans cette longue tradition de récits animaliers dont la faune bigarrée n’est souvent qu’un moyen détourné afin d’appréhender la condition humaine dans toute sa belle complexité. Un peu comme dans une fable de La Fontaine, en somme. A cet égard, Zootopie, l’histoire d’une jeune lapine (Judy) au fragile idéalisme tout juste passée flic et contrainte de collaborer avec un renard arnaqueur (Nick) afin de lutter contre le mal qui gangrène leur grouillante métropole, aurait d’ailleurs presque pu s’appeler The Bunny and the Fox… Rich Moore: « Les deux protagonistes du film sont des ennemis naturels: il s’agit là d’une proie et d’un prédateur. Pourtant, ils vont finir par trouver un terrain d’entente et devenir amis, en dépit mais aussi grâce à leurs différences respectives. » « L’idée était de parvenir à capturer les spécificités propres à chaque espèce animale, poursuit Byron Howard, et de les fondre dans la personnalité même des personnages. »

Ni blanc ni noir

Et la trame de Zootopie de s’amuser de ces caractéristiques pour mieux les dépasser, s’attaquant à des questions aussi sensibles que celles des préjugés, de l’intolérance, voire du racisme fort d’un humour malin se jouant du concept de déterminisme avec un joli sens du contre-pied. Moore: « Judy est une optimiste, elle croit dur comme fer dans la possibilité pour chacun de devenir ce qu’il rêve de devenir. Nick est un fataliste, pour lui nous sommes ce que nous sommes, point barre, et il est dès lors vain de chercher à lutter contre nos instincts. Cette divergence d’opinions offre au film un formidable terrain de jeu embrassant tour à tour chacune des conceptions: le personnage du paresseux est incroyablement lent, mais celui de l’éléphant a une très mauvaise mémoire… Certains clichés ont la vie dure, et d’autres pas. Le monde qui nous entoure n’est pas figé, il n’est ni blanc ni noir. »

Hyperactuel dans ses résonances, Zootopie ne parle au fond de rien d’autre que de vivre-ensemble, entraînant même à l’occasion son propos sur un terrain quasiment politique. Ce dont Byron Howard, en bon entertainer ricain, se défend poliment: « Nous partons toujours des émotions. Et de là, seulement, découlent les idées. Jamais l’inverse. A l’origine, Zootopie devait être un pur film d’espionnage, mais le processus de création nous a naturellement amenés à abandonner cette idée au profit d’un buddy movie répondant à une logique de contrastes. Cela étant, en s’étoffant, l’histoire charrie immanquablement toute une série de thèmes qui y sont liés. En tant qu’auteurs, nous ne pouvons bien sûr que nous féliciter si le public, jeune ou adulte, s’en empare et y trouve matière à réflexion.« 

RENCONTRE Nicolas Clément

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