Le Jodovers est un univers en expansion. Celui d’Alexandro Jodorowsky, scénariste de génie, cinéaste inclassable (et bien d’autres choses encore). Né des cendres d’une adaptation avortée de Dune, où l’on aurait retrouvé pêle-mêle l’empereur Salvador Dalí, la musique de Pink Floyd et Tangerine Dream, l’esthétique de Moebius et les visions à la fois foisonnantes, folles et précises de « Jodo ». Un univers prolongé dans La Caste des Métabarons avec Juan Gimenez, notamment. Et aujourd’hui comme concentré, au terme d’un Big Crunch créatif, dans ces trois tomes de Megalex cosignés avec Fred Beltran, coloriste sur une autre partie du Jodovers, Les Technopères.

Tout y est. La psychogénéalogie et l’importance de la transmission entre générations (c£ur même du scénario des Métabarons), concept dont il fut un des précurseurs. La fusion des « contraires complémentaires » (fille / garçon, nature / technologie, magie / artificialité), nouvelle incarnation de l’Emperoratriz de L’Incal. Mais aussi la question de l’identité, le jeu des masques, la reproduction de soi opposée à la découverte de soi: là aussi, on repense à la fameuse « planète Difool », remplie de clones du héros de L’Incal. Toutes ces thématiques avaient fusionné, dans le cycle des Métabarons, dans une image neuve de l’inceste. Elle se retrouve ici dans la figure de l’androgyne parfait, l’union amoureuse et donc forcément mystique du frère et de la s£ur. De cette alchimie naît le seul être capable de sauver la planète Megalex en fusionnant à son tour nature et technologie…

Jodorowsky aurait écrit Megalex pour Katsuhiro Otomo, papa légendaire d’ Akira. Cet intérêt pour un auteur de manga est quelque peu étonnant. Dans une interview accordée en mai 2007, il affirmait ainsi que  » si un Bilal est un artiste, il n’y a pas d’artistes dans le manga. La capitale de la bande dessinée n’est ni les Etats-Unis ni le Japon. C’est la France. C’est pour ça que je vis à Paris. » Toujours cet amour des extrêmes, qui se retrouve aussi dans ses méthodes de travail peu orthodoxes. Avec ses dessinateurs, notamment:  » Je ne voulais pas qu’il fasse comme avec Moebius, à qui il raconte l’histoire pendant que ce dernier prend des notes, ou avec Arno, à qui il donnait des cassettes« , indique François Boucq, auteur avec Jodorowsky de la série Bouncer. Un western shakespearien, selon les termes du dessinateur:  » Ce qui poussait Alexandro, c’était de raconter l’histoire très conflictuelle d’individus d’une même famille.  » Généalogie, quand tu nous tiens…

Megalex (3 tomes), par Alexandro Jodorowsky et Fred Beltran, aux Humanoïdes Associés www.humano.com/megalex

VINCENT DEGREZ

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