La leçon de cinéma Jane Campion, la femme cinéma

© John Maynard/Hibiscus Films

À mes débuts à l’école de cinéma, les garçons voulaient tous faire des films d’aventure, des grands récits. Je ne voulais pas les concurrencer. Mes histoires étaient à mille lieues des leurs. Trop intimes pour leur effleurer l’esprit. Trop personnelles pour qu’il y ait le moindre risque de compétition. Elles ne pouvaient venir de personne d’autre. Ces idées m’étaient propres.”

À l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, Arte met en lumière le travail de Jane Campion à travers deux de ses films (Un ange à ma table, Portrait de femme) mais aussi un documentaire inédit signé par la réalisatrice française Julie Bertuccelli (Depuis qu’Otar est parti, L’Arbre, La Dernière Folie de Claire Darling). Née dans une famille atypique de Nouvelle-Zélande qui ne jurait que par Shakespeare (son père était directeur d’un théâtre et sa mère actrice), Jane Campion a étudié l’anthropologie avant de rejoindre les Beaux-Arts. Et elle se promenait dans sa Datsun avec un projecteur au cas où quelqu’un voudrait voir son film, avant de devenir la première femme nommée à deux reprises dans la catégorie Meilleure réalisation aux Oscars…

Le discours des médias et notre vision du monde sont dictés par des hommes qui ignorent tout de la pensée féminine”, résume-t-elle dans ce pertinent portrait rythmé par ses grands et francs éclats de rire. Uniquement composé d’extraits de ses films et de ses interviews, La Femme cinéma ne retrace pas seulement un parcours: il questionne les difficultés d’exister en tant que femme dans une industrie toujours dirigée et dominée par les hommes.

Campion parle de Peel, son court métrage qui lui a appris à faire du cinéma. Elle raconte avoir somatisé et s’être retrouvée aux urgences pour un petit film de 7 minutes. “Mon Apocalypse Now à moi.” Ce même Peel qui remportera la Palme du meilleur court à Cannes en 1986. Elle évoque aussi son intérêt, sa fascination pour les filles qui vivent dans la marge, son respect immense pour les gens qui ont eu une vie difficile. Elle explique encore comment elle prépare ses films et décrypte la psychologie de ses personnages. Campion dit vivre le même processus que les actrices: se glisser à chaque nouveau projet dans un rôle qui lui fait aborder un autre aspect d’elle-même. Le docu de Bertuccelli met en lumière ses œuvres les plus marquantes –La Leçon de piano (ses Hauts de Hurlevent), la série Top of the Lake, le western The Power of the Dog- et aborde la mort de son fils dix jours après sa naissance et quelques semaines seulement après sa Palme d’or cannoise. Son plus grand succès concomitant à son plus immense chagrin.

JULIEN BROQUET

Documentaire de Julie Bertuccelli.

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