on ne vit que 2 fois – Autour du deuil et de la renaissance, la Japonaise Naomi Kawase signe un film intime et intense, récompensé à Cannes.

De Naomi Kawase. Avec Machiko Ono, Shigeki Uda, Makiko Watanabe. Musique: Masamichi Shigeno. 1 h 37. Sortie: 23/04.

Révélée en 1997 par Moe no Suzaku, Caméra d’or à Cannes, la cinéaste japonaise Naomi Kawase suit, depuis, un chemin singulier. Dernier témoignage en date, Mogari no Mori (La forêt de Mogari) qui, comme son film précédent, Shara, s’attache à des êtres frappés par une disparition – situation qu’elle appréhende avec une sensibilité rare.

Le film s’ouvre dans une petite maison de retraite de l’arrière-pays japonais, où Machiko, une jeune aide-soignante, porte une attention bienveillante à Shigeki, homme d’un âge respectable n’ayant plus toute sa tête. Entre eux deux, une incontestable complicité, irriguée par le souvenir d’un être cher – son enfant pour elle, sa femme disparue trente-trois ans plus tôt pour lui -, dont ni l’un ni l’autre n’a pu faire le deuil.

Pour son anniversaire, Machiko propose à Shigeki de partir pour une excursion en voiture. Le véhicule tombe bientôt en panne au beau milieu de nulle part, moment que choisit le vieil homme pour s’enfoncer dans la forêt de Mogari en ne laissant d’autre choix à son accompagnatrice, un temps désemparée, que de lui emboîter le pas. Au c£ur de la nature débute un périple tumultueux qui les conduira tous deux sur la voie de la renaissance.

UNE îUVRE LYRIQUE ET VISCÉRALE

L’un des grands mérites de la cinéaste est assurément d’avoir su rendre accessible et limpide une thématique à vocation introspective. Simple, mais essentiel, voilà assurément un film en état de grâce. Grâce esthétique, d’abord, Naomi Kawase signant ici une £uvre sobre et totalement aboutie, traversée d’un lyrisme subtil – ainsi, par exemple, lors d’une partie de cache-cache dans une plantation de thé, d’une souveraine beauté -, tout en instruisant un rapport viscéral à son environnement, cette forêt qui absorbe bientôt jusqu’au spectateur.

Au-delà de cette exceptionnelle maîtrise formelle, Mogari no Mori explore aussi tout en délicatesse les sentiments les plus intenses, s’attelant, à travers ses deux protagonistes, à laisser parler l’âme. Autour du deuil et de l’impossible oubli, le film fait don d’une extraordinaire générosité – cette matrice qui permettra à ses deux acteurs principaux d’oser le pari de revivre. L’expérience s’avère, à vrai dire, proprement ensorcelante, Naomi Kawase opérant tout en finesse pour signer une £uvre à la fois intime et universelle. Et offrir, dans un élan contemplatif, un moment tendu vers un souverain équilibre; suspendu, à l’aube de la sérénité retrouvée. Grand Prix lors du dernier festival de Cannes, prix Cinédécouvertes dans la foulée, un film en forme de magnifique cadeau, rare et inestimable.

www.mogarinomori.com

JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content