OUBLIEZ LES MÉLANIE, GEIKE, LIESJE, SELAH, SARAH ET NOA: STÉPHANIE BLANCHOUD EST LA CHANTEUSE BELGE ACTUELLE. EXPLICATIONS VIA SON ALBUM SOLAIRE, LES BEAUX JOURS.

Pourquoi Stéphanie Blanchoud, 33 ans, cheveux courts encre, svelte, porteuse de pulls marins et, surtout, surtout, incarnation d’une putain de voix, n’inonde-t-elle pas ondes et magazines? Quelques supputations: son premier et intéressant album francophone paru en 2005 possède un côté fantôme juvénile de Barbara, tellement en dehors de l’époque et des pseudo-sensations indés qu’il décontenance. Pas tout le monde: la rencontrant alors au Niger lors de Jeux de la Francophonie, on est charmé par sa présence masculin-féminin et son organe d’ange tranquille. Le public africain, qui ne la connaît pas, la couvre de chaleur. « J’y ai découvert l’Afrique, j’ai besoin de vrais moments de déconnection, de dépouillement comme celui de voir la mer, de quitter la Belgique ou mon autre pays, la Suisse: c’est dans le mouvement que j’ai de nouvelles idées. La force de la nature me calme, comme la boxe d’ailleurs »,dit-elle par une grise après-midi bruxelloise.

Cap-Vert

Un autre disque plus tard (Insomnies en 2009) et le virus rock s’est doucement infiltré dans ses vapeurs océanes: Stéphanie partage désormais la scène et un bout de vie avec Jean-François Assy, violoncelliste-bassiste vu chez Bashung et Daan. Comme on ne sait décidément pas la mettre dans une case -elle est aussi actrice-, Blanchoud reprend le chemin de Damas, en l’occurrence celui de Los Angeles. En compagnie de Robert Carranza, producteur de Jack Johnson, elle y boucle six titres sous le pseudo virginal de Blanche: « Avec le guitariste de Johnny Cash et ce producteur qui bosse avec Bon Iver ou Leonard Cohen, j’ai découvert une ultra-gentillesse et une hyper-énergie. Cette expérience m’a ouverte aux sonorités anglo-saxonnes. » On est en 2011 et malgré ce folk-pop sans faille apte à faire chauffer la radio (Ephémère, Sans raison particulière), le disque ne sort qu’en digital, sans distributeur officiel. Déception.

Soldate de la chanson oui, kamikaze non. Stéphanie: « J’ai financé cet EP à Los Angeles sur mes propres deniers et disons que je ne pouvais pas refaire un emprunt et recommencer l’opération. En plus, Blanche amenait une certaine confusion, j’en suis donc revenue à mon nom. Je vis essentiellement par le théâtre, la scène et l’écriture, parce que la chanson en français en Wallonie, d’entrée de jeu, on sait que l’on va prendre une barque et ramer. » Là, Stéphanie a ce regard perçant qui semble tester la résistance pneumatique de l’interlocuteur, un peu entre deux mondes flottants. On peut en dire autant de sa voix, particulièrement sur le nouvel album où elle impose une tessiture majeure, feutre-cristal. Voilure aérienne, faille offerte d’un vaste continent émotionnel, « mezzo quelque chose » comme elle dit.

Si Blanchoud était un opéra, ce serait Don Giovanni dégraissé par Ray Lamontagne, l’un des noms cités dans une conversation d’où s’échappent aussi le patronyme de T Bone Burnett et les sensations aimées comme « ce truc organique dans les batteries ». Elle prend conscience du chant au Conservatoire de Bruxelles où elle décroche en 2003 un Premier Prix en Art Dramatique et Déclamation: « J’adore quand la voix est rentrée dans les instruments et que rien ne vient polluer le spectre de la chanson. La voix change en fonction de la vie parce qu’elle est la chose la plus proche de soi. Sur le nouvel album, j’ai l’impression qu’elle est au bon endroit, peut-être parce que j’ai écrit les mélodies et l’essentiel des musiques. » L’histoire des Beaux jours est liée à des jours pas si terribles que ça: ceux d’une rupture amoureuse avec son complice Jean-François Assy qui l’amènent il y a deux ans à s’oublier dans les îles. « Je suis partie six semaines, seule, au Cap-Vert, sans ordi, avec une petite gratte et le désir de composer pour la première fois. Passant d’île en île, seule dans une chambre, souvent face à la mer et la nature, prête à écrire après avoir parfois marché durant des heures. C’était à la fois lumineux et ultra-mélancolique. J’ai toujours eu besoin de solitude. »

Le résultat est un disque-thérapie qui transforme le charbon de la séparation en soleil contagieux qui réchauffe les vieux os de l’amour défait. L’album étant assuré d’être disponible en Belgique -et plus si affinités- via un deal avec V2 Records, reste à diffuser sur scène cette pop élégante et farouche, blindée par ses fragilités. Une poignée de dates belges, un saut à Paris et quelques soirées prévues à l’automne en Suisse, pays de son paternel: Stéphanie vaut davantage. Sinon, il est probable qu’elle se fasse happer par le théâtre -elle écrit une pièce sur quatre campeurs calés en Nouvelle-Zélande- voire la télé ou le ciné. Elle a d’ailleurs décroché un premier rôle de fliquette dans une future série du petit écran belge. Bien, mais que fait la police de la chanson?

EN CONCERT LE 31 MARS AU BOTANIQUE, BRUXELLES.

RENCONTRE ET PHOTO Philippe Cornet

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