Après septante-et-un ans d’exploitation, le polaroïd cesse d’être fabriqué et c’est un monde d’images qui coule. Patti Smith pleure.

La nouvelle est tombée le 8 février 2008: Polaroïd annonce l’arrêt de la fabrication de tous ses films instantanés, ses usines des Etats-Unis et du Mexique fermeront leurs portes avant la fin de l’année, les stocks devant être épuisés au cours de 2009. Les appareils photos, eux, avaient déjà disparu du marché l’année dernière. Le décès est d’importance et les funérailles, sombrement célébrées. On n’entendra plus le fameux bzzzzzz, bruissement motorisé qui accompagne la sortie de la photo, faisant penser à un accouchement de papier sans douleur.  » C’est une vraie catastrophe », a lancé Patti Smith qui doit bientôt exposer ses polas et d’autres £uvres à la Fondation Cartier à Paris. « Je me suis demandée comment j’allais faire. Mon assistant a immédiatement acheté 25 boîtes de dix rouleaux chacune. J’ai de quoi tenir quelques années. »

RéUSSITE TECHNOLOGIQUE

Créé en 1937 par un jeune américain, le polaroïd et son procédé révolutionnaire qui permet d’obtenir une image quasi instantanée, est l’un des grands succès technologiques de l’après-guerre. Donnant l’occasion aux photographes équipés de l’appareil et des films version pro de visualiser très rapidement leurs cadre et exposition avant de réaliser le cliché définitif sur boîtier usuel. Et engendrant également plusieurs générations d’artistes tels que Guido Mocafico ou Sarah Moon, accros au grain du pola, à ses teintes vertes dominantes et à ses imperfections plastiques qui suscitent d’immanquables surprises visuelles. Voire un mystère chez le grand photographe américain Walker Evans, doté du prototype SX-70. Sans oublier Andy Warhol qui trouve dans le polaroïd une machine apte à concrétiser sa devise d' » être célèbre pour quinze minutes » en utilisant un appareil qui libère rapidement le secret de sa vision. Nombre de ses sérigraphies signées ainsi définissent l’£uvre d’art: l’intention est parfois plus importante que le support.

INSTANTANé D’AVANT YOUTUBE

Le pola est également devenu un must pour les amateurs pressés, figeant des fêtes improvisées, des rencontres improbables, des masses d’autoportraits voire des sujets plus ou moins tabous peu calibrés pour passer devant les yeux d’un laborantin. Le témoignage d’un insatiable appétit planétaire à vouloir fixer l’instant sans attendre un développement chimique. Une sorte de précurseurlent du numérique, un instantané d’avant YouTube, un photomaton en version élaborée. Un monde en soi. La disparition de l’entreprise Polaroïd – qui finançait aussi un programme de mécénat – signifie une représentation en moins et, peut-être, une nouvelle étape vers une planète totalement digitale. La mondialisation quoi.

Land 250 du 28/03 au 22/06 à la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, 261 bd Raspail, 75 014 Paris.

www.fondation.cartier.com

LA CHRONIQUE DE philippe cornet

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