Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

JUSTE AVANT DE REFERMER LES VOLETS SUR 2014, L’ANGLAIS SORT UN NOUVEAU DISQUE PARFAIT. UN VÉRITABLE PETIT BIJOU D’ALBUM TECHNO, À LA FOIS TABASSEUR ET RÊVEUR.

Clark

« Clark »

DISTRIBUÉ PAR WARP.

8

Il y a des années comme ça qui vous balancent d’un sentiment à l’autre. Pour le label Warp, 2014 fut à la fois miraculeuse et particulièrement plombée. Ces derniers mois, l’enseigne anglaise a vu ainsi disparaître deux de ses principaux artistes. Fondateur de LFO, figure essentielle de l’histoire de la musique électronique, Mark Bell est mort en octobre à l’âge de 43 ans. Début décembre, c’est Nick Talbot, alias Gravenhurst, qui disparaîssait à son tour, âgé lui d’à peine 37 ans. Warp perdait l’un des singer-songwriters qui, tout comme Grizzly Bear, avaient le plus contribué à changer son image, élargissant son « core-business » au-delà de la seule étiquette IDM (intelligent dance music).

A côté de cette actualité pénible, le label a néanmoins pu fêter ses 25 ans en faisant encore et toujours ce qu’il fait de mieux: sortir des disques modernes et aventureux. A côté de l’événement Aphex Twin (Syro, son premier album en treize ans), Warp a encore eu l’occasion de publier quelques-unes des plaques les plus marquantes de 2014. Comme les deux albums de la paire formée par Brian Eno et Karl Hyde, ou encore le dernier trip psychédélique en date de Flying Lotus, l’excellent You’re Dead!, assurément l’un des disques de l’année. A cette liste, il faut encore ajouter in extremis la dernière claque signée Clark.

L’Anglais n’est assurément pas la figure la plus spectaculaire du label. Au fil du temps, (Chris) Clark (St-Albans, 1979) a pourtant réussi à constituer une discographie impeccable. Si l’affirmation n’était par trop cliché, on écrirait volontiers que son nouvel album éponyme, son 7e, la résume parfaitement. Tout est là en effet. Et même plus encore.

Pour le coup, Clark s’est égaré dans la campagne anglaise, rassemblant toutes ses machines dans une grange réaménagée en studio. Par moments, le disque sonne d’ailleurs un peu comme une rave qui serait rentrée s’abriter le temps de laisser passer l’orage, pas la fête, Partying like it was 1989. Imperturbable, Sodium Trimmers, par exemple, frappe sec et dur, avant de virer au film d’horreur, tandis que The Grit In The Pearl déploie des nappes de synthé plus trance et euphoriques. Le geste pourrait paraître volontiers vintage si Clark ne réinvestissait pas chaque son. Le but: détourner le motif, et introduire le petit twist qui fera voir les choses autrement. Comme quand il glisse des bruits de pas dans la neige sur les arpèges de piano rêveur de Strength Through Fragility.

A l’instar de la MPC vintage utilisée sur Banjo, Clark tire sur des ficelles connues, mais sans jamais rien prendre pour acquis. C’est bien ce qui fait toute la différence. Le titre There’s a Distance In You en est peut-être la meilleure illustration, morceau de bravoure techno long de sept minutes, qui donne aux machines une véritable épaisseur. Mieux: une vraie chaleur. Toujours accessible, l’album réussit ainsi à surprendre, disque excitant, émouvant même, dévoilant un peu plus ses petits décalages à chaque écoute. Un vrai petit bijou.

LAURENT HOEBRECHTS

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