Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

La chorale flamande Scala sort un étonnant album de reprises de Pierre Rapsat.

Le plus bizarre de cette histoire est peut-être qu’elle nous étonne. Même si on n’accorde que du mépris aux querelles linguistiques et leur cohorte de démagogie rampante, il faut bien dire que la démarche d’un groupe flamand reprenant le répertoire d’un artiste non seulement francophone, mais wallon, et bien ce geste-là, surprend. C’est dire qu’on a un peu tous la boussole perturbée par une Belgique prisonnière d’humiliantes et vaines querelles nord-sud. Une fois l’annonce faite, il y a l’écoute où le premier ravissement vient de la langue elle-même de ces jeunes filles reprenant Rapsat, dont le père était flamand, dans le texte. Pas un bout de syntaxe négligée, pas un mot ébréché, pas un souffle de vulgarité grammaticale, donc admiration pour cette prise de risques dans un environnement sonore qui tranche radicalement sur le style pop-variété du chanteur de Verviers. Musicalement, de ces dix chansons, il se dégage une sorte d’inévitable théorème: plus l’interprétation est dépouillée, plus le résultat est fort. Donc, on s’excite moins d’une relecture « gospel-rock » des Passagers de la nuit que de celle légèrement tapissée d’électronique caressante de Judy & Cie. Et puis, le disque contient trois moments réellement formidables: la chorale aérienne et juvénile d’ Aurore, sans aucun doute la plus belle chanson jamais écrite par Rapsat. Et deux instants plus solitaires mais tout aussi solaires: l’interprétation de Jardin secret par Jasper de Steverlinck d’Arid – définitivement le plus grand chanteur belge – dont la voix mise très en avant vient se faire caresser, mais sans plus, par le ch£ur des filles. Et puis Un dimanche en automne où le guitariste de Scala -Filip Huyghebaert – livre sur l’accompagnement d’un piano et de voix lointaines, une exceptionnelle version vocale du morceau de Rapsat qui sonne à la fois comme l’éloge du Chagrin des belges et une formidable célébration de ce qui nous unit encore. La musique, tout au moins.

Dans les yeux d’Aurore par Scala & Kolacny Brothers chez Viva Dics, en tournée de décembre à avril.www.scalachoir.com

Philippe Cornet

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