MODE ET CÉLÉBRITÉ SONT LEURS PASSIONS, À EN DEVENIR VOLEURS… JEUNES, CHICS ET VIDES, LES PERSONNAGES DU BLING RING DE SOFIA COPPOLA NOUS EMMÈNENT AU COEUR D’UN SYSTÈME QUI A DE QUOI CONSTERNER.

Pendant une douzaine de mois, ces jeunes gens de milieu aisé voire cossu ont écumé les villas californiennes de célébrités (celle de Paris Hilton étant visitée plusieurs fois!) pour y dérober sous et dessous, robes et bijoux, dans une excitation d’ados alcoolisés, drogués, allant faire « leur shopping » dans les maisonnées vides avant de hanter les « parties » en dépensant leur butin et en portant leurs trophées. Ils furent pris pour la plupart, condamnés par la justice mais élevés par les médias au rang de célébrités faisant bien partie du même monde: celui d’une bulle dans laquelle la mode et le fric, les marques et la dope, la notoriété surtout, tiennent lieu de valeur… De quoi faire une satire mordante, ou alors une chronique réaliste. C’est cette seconde voie qu’a choisie Sofia Coppola pour The Bling Ring, un film tout à la fois décevant par son peu d’enjeu cinématographique (un comble, dans une famille comme celle-là!) et fascinant par ce qu’il nous fait découvrir d’une certaine Amérique et plus largement d’une certaine jeunesse.

« Après Somewhere, qui était un film calme et lent, j’ai eu envie de faire quelque chose de totalement différent, commente la réalisatrice, quelque chose de différent et surtout de rapide. » Un article du magazine Vanity Fair relatant les méfaits de la petite bande la conduisit au « désir d’aborder pour la première fois une histoire criminelle authentique, lire des rapports de police, tout en créant quelque chose pouvant être relié à ce que je connais du monde« . L’adolescence, thème privilégié de celle qui nous donna The Virgin Suicides et Marie-Antoinette, fournissait bien sûr le lien. « Je me suis souvenue de ma propre adolescence, de ce sens dynamique de faire ensemble des choses qu’on aime bien faire« , explique Coppola Junior. « J’ai grandi hors de Los Angeles, dans une petite ville plus près de San Francisco, et j’étais loin du bling bling, mais je ne m’en suis pas pour autant sentie incapable de me mettre à la place de ces ados et de tenter de ressentir ce qu’ils ont pu éprouver… »

Les adolescents rebelles sont un thème récurrent du cinéma made in USA depuis les années 50 (The Blackboard Jungle, Rebel Without a Cause) jusqu’aux films contemporains de Gus Van Sant (Elephant, Paranoid Park) et Larry Clark (Ken Park, Wassup Rockers) sans oublier ceux de… Francis Coppola (les magnifiques Rumble Fish et Outsiders dans les années 80). Tous ceux-là se posaient dans la transgression des lois mais surtout des normes et modèles sociaux (lire par ailleurs). Rien de tel avec les kids du Bling Ring (comme ils s’appelèrent eux-mêmes), qui ne contestent pas le modèle commercial et médiatique mais qui semblent plutôt désireux d’en faire plus partie encore! « Oui, en effet, et c’est une des choses qui m’ont attirée vers le film, commente la réalisatrice. A travers cette histoire, c’est toute une tendance de la société (américaine mais probablement aussi internationale) qui est mise en lumière, où l’influence de la culture pop, des médias et des réseaux sociaux est tellement prégnante sur toute une jeunesse… » Pour autant, Sofia Coppola ne veut pas s’engager dans quelque propos directement critique ou politique que ce soit. « Il revient au spectateur de se forger sa propre opinion« , lâche-t-elle, concédant tout au plus « qu’il y a sans doute un certain déclin dans notre culture, et un déséquilibre qui en résulte. » « Le travail d’un cinéaste n’est pas de juger ses personnages, mais de présenter des sujets auxquels le public peut réfléchir ensuite d’une manière ou d’une autre, sans avoir besoin de voir l’opinion de la réalisatrice reflétée dans le film. Bien sûr que j’en ai, des opinions, sur ce sujet en particulier comme sur plein d’autres, mais je ressens comme un devoir de ne pas les exprimer. Ce fut même à mes yeux le principal défi proposé par le film! »

Devenir célèbres

Pour que le public n’en reste pas au stade de la fascination, « un autre enjeu du film était d’établir une connexion entre le spectateur et les personnages, pour qu’on puisse vivre ce qu’ils vivent à leur niveau« . Si The Bling Ring n’est pas avare en représentations de l’alcool et de la drogue, il reste paradoxalement assez chaste en matière sexuelle, alors que l’élément orgiaque tient une place non négligeable dans l’univers où se déroule l’action. « Je montre l’extrême intimité qui lie les personnages, mais il est vrai que cette dernière prend rarement une forme sexuelle. Je pense qu’ils sont plus intéressés par les vêtements, par les chaussures… La question pour eux est plus de paraître super sexy que de pratiquer le sexe. Et ce qu’ils veulent le plus, c’est devenir célèbres…  »

Paris Hilton, cambriolée… cinq fois, et qui a tout de même fait bâtir un mur de protection à sa villa depuis les événements, a prêté sa maison pour certaines scènes du film. « Ça peut paraître incroyable mais beaucoup de célébrités laissaient leurs fenêtres ouvertes, et la plupart ne s’apercevaient pas des vols tellement ils avaient de choses dans leur garde-robe!« , s’étonne rétrospectivement Sofia Coppola. Laquelle a tourné pour la première fois en vidéo haute définition (« pour être proche des ados, qui filment tout sur leurs gsm« ). Une initiative venue de Harry Savides, son directeur de la photographie, décédé à mi-chemin du tournage et dont le travail dut être achevé par son assistant Christopher Blauvelt. « Harry se savait malade mais il tenait à faire le film, explique la réalisatrice. Je lui dois notamment ce plan très particulier, vu par une caméra fixe au sommet d’une colline, et dans lequel on voit deux des ados déambulant dans une maison cambriolée. » Un très beau plan, suspendu, arrêtant le temps, comme un aperçu du film plus aventureux stylistiquement qu’aurait pu être le finalement assez sociologique The Bling Ring.

RENCONTRE LOUIS DANVERS, À PARIS

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