Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Docs en stock – Katanga Business et Let’s Make Money traquent les effets de la mondialisation économique, confirmant l’importance du cinéma documentaire aujourd’hui.

(1) De Thierry Michel. 2 h. Dist: Twin Pics.

(2) D’ Erwin Wagenhofer. 1 h 47. Dist: Twin Pics.

Le cinéma documentaire s’est fait une belle place au soleil de la production cinématographique internationale. Et sur cette scène aussi active que créative et réactive aux évolutions des sociétés humaines, deux réalisateurs ont remporté ces dernières années des succès significatifs. L’un est belge, et s’est principalement consacré à l’Afrique centrale. L’autre est autrichien, et se spécialise dans la dénonciation des dérives et abus de la mondialisation économique. Thierry Michel est l’auteur de films aussi marquants que Mobutu roi du Zaïre et Congo River. Erwin Wagenhofer s’est fait connaître du grand public avec We feed the world. La sortie simultanée de leurs dernières réalisations en date offre par coïncidence un double tableau différencié de la thématique des nouveaux rapports économiques mondiaux. Michel trouvant dans le microcosme d’une province congolaise plus de matière à réflexion et de vérité humaine que son collègue dans le macrocosme d’un paysage planétaire…

L’idéologie vs l’humain

Let’s Make Money se pose en réquisitoire accablant la finance internationale. Venant après le plus convaincant We feed the world, charge contre certaines tendances lourdes de l’industrie agro-alimentaire, le film de Wagenhofer fustige le système de marché dans sa version néolibérale, supposément capable d’une autorégulation dont la crise récente a montré cruellement les limites. S’appuyant sur des témoignages parfois sidérants de franchise décomplexée, Let’s Make Money quitte vite le terrain de l’observation pour celui, plus « tendance », de la démonstration simplificatrice. Il appuie cette dernière d’informations assénées d’autant plus lourdement qu’aucune image ne vient les corroborer. Le résultat déçoit, qui abandonne la démarche documentaire au profit d’une pose imprécatoire, visant sans doute une bonne cible mais avec trop peu de munitions, un ton magistral et une forme qui ne convaincra que les convaincus.

Beaucoup plus riche et complexe est la démarche de Katanga Business. Thierry Michel nous y emmène dans la vaste province congolaise, au sous-sol aussi riche de minerais que sa population reste pauvre et fragile devant un pouvoir populiste contraint de tenir d’improbables promesses, et un patronat en très grande majorité étranger. Belge, évidemment, mais aussi de plus en plus chinois, la puissance financière de l’ex-empire du milieu s’abattant actuellement sur l’Afrique avec un appétit de cuivre, de cobalt et autres richesses minières apparemment sans fin. Le film éclaire ainsi les nouveaux rapports économiques mondiaux, mais en partant de l’observation et de l’écoute des gens, de la réalité, là où Let’s Make Money plaque sur cette réalité un projet théorique. L’humain, pas l’idéologie, reste au c£ur du travail de Thierry Michel, et les excellents bonus accompagnant son film en témoignent eux aussi. Notamment le passionnant making of, Mines de tracas au Katanga, où l’on comprend la nécessité affichée par le réalisateur de faire preuve d' » astuce, patience et humour« . Et ce stupéfiant court métrage Fétiche et minerais, où l’investiture d’un nouveau chef tribal attire une foule de décideurs venus même d’Afrique du Sud jouer le respect de la tradition en louchant avec insistance sur le sous-sol de toutes les convoitises…

Louis Danvers

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