John Cooper Clarke

John Cooper Clarke, la classe à l’état punk. © getty images

Enseigné dans les écoles, le poète punk de Salford, ancien coloc de Nico et ancêtre des Sleaford Mods, est de passage à l’Ancienne Belgique.

Working Men’s Club lui consacrait une des chansons de son premier album. Joe Martin de Cabbage avait un poster de lui punaisé dans sa chambre. Et Charlie Steen, le chanteur de Shame, s’épanchait lors de notre dernière rencontre sur son autobiographie. John Cooper Clarke a beau rester relativement méconnu de ce côté-ci de la Manche, il est une figure légendaire, pionnière, pour une jeune scène anglaise qui a le cœur à gauche et le parlé-chanté en bandoulière. Les Arctic Monkeys reprenaient déjà un de ses morceaux, I Wanna Be Yours, sur leur disque AM en 2014. “ J’ai mis 40 ans à obtenir un succès instantané, a-t-il l’habitude de dire pour résumer sa carrière avec son sens de l’humour et de la formule. Lui qui a été beautiful loser et héros underground… Culte. Toujours culte.

Johnny Clarke est le gamin d’une serveuse et d’un ingénieur électricien. Il naît en 1949, grandit à Broughton, dans la banlieue de Salford. Et, gosse, il se rêve détective privé, espionnant sa famille avec un magnétophone envoyé par le Père Noël. Comprenant très tôt qu’il ne deviendra jamais un crooner, Clarke s’improvise poète et commence à déclamer ses textes dans les cabarets de Manchester. Le bonhomme à l’époque est laborantin et accompagné par un groupe de folk: The Ferrets. C’est Howard Devoto, le chanteur des Buzzcocks (Pete Shelley l’a pour sa part accompagné) qui lui conseille de se diriger vers les clubs punk. Johnny a le cheveu court, ne met pas de pantalon à pattes d’éph’. Il doit juste amener une dimension plus sérieuse et engagée à ses textes humoristiques.

Deep impact

John Cooper Clarke ne se considère pas comme un poète politique mais comme un poète urbain. La ville, il en raconte le quotidien. Comme dans l’un de ses textes les plus célèbres, Beasley Street. Une rue à bas loyer peuplée de bohémiens, de dealers et de putes. Beasley Street figure sur Snap, Crackle & Bop, un de ses albums les plus fameux, sorti en 1980 et produit comme quelques autres par un certain Martin Hannett. Dans ses chansons satiriques, Clarke évoque la soumission totale, les envies de meurtre et les psys qui recommandent le suicide…

Si la légende veut que tous ceux qui ont écouté le Velvet à sa grande époque (alors peu rémunératrice) ont créé un groupe, on prétend dans le Grand Manchester que tous ceux qui ont entendu la poésie de John Cooper Clarke ont saisi la plume. “ Vu l’impact que j’ai exercé sur la culture britannique, c’est diabolique à quel point je suis pauvre, commentait-il il y a dix ans dans le Guardian tout en clamant, grande gueule, que Baudelaire et Shakespeare étaient les seuls qu’il pensait meilleurs que lui.

Fin des seventies, John Cooper Clarke partage des affiches avec The Fall, les Sex Pistols, The Clash et Joy Division. Il joue au CBGB avec Richard Hell et Patti Smith. Sa prose est intelligente, mordante et en colère. Mais le punk, le vrai, fait long feu et ses disques se vendent mal. Durant les années 80, à Brixton, il partage un appartement avec Nico, la mannequin et chanteuse chère au Velvet Underground. De son propre aveu, ils n’ont jamais été en couple. “ On était des junkies, expliquait-il toujours au Guardian en 2009. Alors ça n’arrive jamais. L’héroïne, ce n’est pas une drogue sexuelle. Tu ne penses jamais au sexe.Malgré ce qu’il appelle “ son addiction aux narcotiques” (il a aussi été accro aux paris et aux courses de chevaux), Johnny Clarke traverse la décennie et survit sans s’inscrire au chômage, donnant chaque année quelques concerts par-ci par-là en Angleterre.

Dans le temps, on aurait pu le confondre avec le jeune Bob Dylan. De nos jours, le poil long et filasse, le barde de Salford (“ le gars derrière la coupe de cheveux”, comme il dit) ressemble davantage à Ronnie Wood, le guitariste des Rolling Stones. John Cooper Clarke n’a jamais autant eu la cote. Il joue son propre rôle dans Control, le biopic sur Ian Curtis sorti en 2007, et son morceau Evidently Chickentown apparaît dans une scène culte des Soprano. En 2013, il s’est même vu décerner un doctorat honorifique en arts par l’université de Salford et est devenu à cette occasion le Dr. John Cooper Clarke. 10 Years in an Open Necked Shirt, qui contient notamment les paroles de certaines de ses chansons les plus célèbres, est l’un des recueils de poésie les plus vendus aux États-Unis. Et grâce à des fans devenus profs, il a vu certains de ses poèmes inscrits au programme du GCSE, plus ou moins l’équivalent du baccalauréat en Angleterre.

Clarke est une encyclopédie (qui a le sens de l’humour) de la culture du XXe siècle. Il en connaît un rayon en cinéma -qui lui a servi de baby-sitter- et sur la vie -qui ne l’a jamais ménagé (ou bien est-ce le contraire). Avec sa prose prolétaire, sa verve et son accent tranchant qui a essaimé dans toute l’Angleterre du rock et pas que, John Cooper Clarke était un peu (beaucoup) un Sleaford Mod avant les Sleaford Mods. Poésie, spoken word. À l’AB, l’homme admiré par Nick Cave et Paul McCartney partagera des anecdotes sur sa vie et sa carrière.

Le 01/06 à l’AB Club, bruxelles (complet).

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