Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

T’ES QUI JOE? – CONNU POUR SES PRODUCTIONS DE LOUDON WAINWRIGHT ET SOLOMON BURKE, JOE HENRY RÉUSSIT PARFAITEMENT SA REVERIE SOLO, VISION TACTILE D’UNE AMÉRIQUE SÉPIA.

DISTRIBUÉ PAR PIAS.

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Joe Henry traîne depuis un bout de temps au rayon des archives américaines qu’il triture pour lui-même et les autres. De préférence, il explore le vieux blues-jazz-boogie-country, enfin tout ce qui ne plaira pas aux fans de GTA. Même si, bien sûr, les choses ne sont pas aussi simples lorsqu’on est collé (de près) à Melanie Ciccone, s£ur de la Madone, depuis un quart de siècle. Joe en perçoit de tardifs bénéfices, dans les années 2000, lorsque sa fameuse belle-s£ur enregistre 3 de ses titres sur ses albums millionnaires. Hormis son compte en banque qui ne s’en fout pas, cela n’ajoute pas grand-chose à la réputation de Henry, toujours partagée entre ses propres disques au succès essentiellement critique et la revisitation de carlingues américaines anciennes telles que Solomon Burke, Mose Allison, Allen Toussaint ou Loudon Wainwright qu’il produit avec justesse et simplicité. Il lui arrive aussi de s’intéresser aux non-sexagénaires (et plus), notamment en enregistrant le 4e album de l’excellent trio Carolina Chocolate Drops sorti début 2010. Mais là encore, ces 3 djeunes se sont entichés de vieux rythmes jazzy comme on flasherait grave sur le dubstep. Alors, possible de faire encore du neuf avec du Mathusalem? On dirait bien que oui.

Enregistré fenêtres ouvertes

Né en Caroline du Nord en 1960, Joe n’est pas qu’un gérontophile averti: il a flirté avec le trip hop ( Fuse, 1989), employé en 1996 un guitariste de metal réputé, Page Hamilton, travaillé avec Ornette Coleman et Brad Melhdau ( Scar, 2001) et s’est occupé plus récemment des alter-rythmes d’Ani DiFranco et de la pop d’Aimee Mann. Sur ce douzième album, Henry pioche surtout dans le blues et le folk, créant de nouveaux espaces métaphoriques: premier délice, cette musique respire le grand air, elle a d’ailleurs été enregistrée -littéralement- les fenêtres du studio ouvertes. On entend donc un chien aboyer, une bagnole au loin, quelqu’un qui siffle, Joe prenant soin de dépouiller le tempo, dévitalisant les prototypes anciens, même les plus cacochymes. Et puis il y a la maîtrise du son. Dès la plage d’ouverture, Heaven’s Escape, il faut entendre résonner un simple coup de cymbale ou un accord de piano: c’est sentimental, dégraissé, vigoureusement anti-cosmétique! Tout cela glisse sur des mélodies charnelles, presque insouciantes, qui trimballent un savoir-faire insolent convoyé par la voix de Joe. Celle-ci renvoie parfois à Tom Waits, en moins grognant, comme si la star boho s’était fait poser une nouvelle gorge pour sortir promener le chien et les chansons. La plupart des plages semblent d’ailleurs en vacances -question textes, cela peut être plus piquant ou surréaliste- et le tempo s’en ressent: lymphatique, pâteux, ralenti et aussi formidablement mélancolique ( Tomorrow Is October, Eyes Out For You). Alors, contrairement à ce que l’on a écrit plus haut, voilà de la musique superbe qui n’a rien à faire des classes d’âge. CQFD.

WWW.JOEHENRYLOVESYOUMADLY.COM

PHILIPPE CORNET

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