Up In The Air consacre le talent fou d’un jeune cinéaste qui apporte un sang neuf à la comédie made in USA, mâtinée de critique sociale.

L’humour ravageur de Thank You For Smoking (portrait au vitriol d’un porte-parole de l’industrie du tabac) l’avait révélé. L’émotion subtile de Juno (où une adolescente enceinte cherche des parents d’adoption pour son futur bébé) lui a fait rencontrer le succès populaire. Couvert de récompenses et promis encore à quelques Golden Globes et autres Oscars, son nouveau film consacre pleinement un Jason Reitman sachant mieux qu’aucun autre aujourd’hui faire rimer humour et regard critique sur la société. Up In The Air (lire notre critique en page 30) est d’autant plus réussi que son comique acéré s’inscrit dans un des sujets les plus dramatiques de notre temps: la perte d’emploi frappant de plus en plus de travailleurs…

Comment est né le projet d’ Up In The Air?

Mes films sont des miroirs. Ils posent des questions que chacun d’entre nous se pose. Dans le premier, je me demandais si on pouvait à la fois vivre en libertaire, sans adhérer à la morale commune, et tout de même montrer du c£ur. Dans le deuxième, je m’interrogeais sur ce que c’est de grandir, de devenir adulte. Avec celui-ci, je pose d’autres questions, par exemple que faisons-nous de notre vie, avec qui et quoi tentons-nous de la rendre accomplie? La réponse étant, souvent, qu’il n’y a pas de réponse, et qu’il faut se débrouiller avec ça… L’idée de départ du film me trottait dans la tête à la suite de mes expériences à bord d’avions où j’avais eu, de manière surprenante, des conversations très révélatrices avec des voisins de siège. Il y a, étrangement, des choses que vous dites à un parfait inconnu alors que vous ne les diriez jamais à un de vos intimes… Je ne suis pas comme Ryan Bingham dans le film, j’ai une femme, une fille, une maison, un métier qu’on ne peut qu’aimer. Mais j’apprécie les aéroports, les grands tableaux où s’affichent les destinations et devant lesquels on se dit « Et si j’y allais? ». Quand j’ai lu le livre de Walter Kirn, le déclic s’est fait. Je tenais le personnage et la situation de départ dont j’avais besoin pour commencer à écrire un scénario…

Le personnage a cette obsession d’accumuler les miles…

Je suis sorti moi-même de cette excitation particulière (rire)! Nous savons tous qu’il faut emplir notre existence de choses essentielles pour la voir s’accomplir, mais en même temps nous remplissons nos vies de conneries, de trucs absolument dépourvus de sens. Les miles en étant un parfait exemple.

Vous aimez mêler comédie et sujets dits sérieux, voire graves…

J’aime les films compliqués (comme ceux de Billy Wilder) où se mélangent l’humour et le drame, la romance et le danger. J’aime le risque qu’il y à combiner tous ces éléments pour en faire une expérience aussi totale que possible. Je trouve de l’humour dans les choses les plus sombres, je ne me mets aucune limite quant à ce qui peut faire l’objet de rire. De toute façon, le tragique et le comique se mélangent dans la vie…

Dans Up In The Air, le licenciement, la perte d’emploi, était un sujet sensible à traiter, surtout en ces temps de crise…

J’ai écrit le film avant la crise économique. C’était une satire du monde de l’entreprise, avec plein de scènes ultra drôles où les gens se font virer. Au moment de tourner, la crise étant là, ce n’était plus drôle du tout… J’ai dû réécrire… Et il m’est venu l’idée d’inclure dans le film des gens qui perdent vraiment leur boulot. La plupart des virés que vous voyez le sont réellement, en direct, devant la caméra… Ils ont été payés comme des comédiens, et ont retrouvé un travail, je vous rassure…

Peut-on dire que le succès de Juno a tout changé pour vous?

Un film qui a coûté 7 millions de dollars et qui en rapporte 230, sans parler des prix et des bonnes critiques, fait bien sûr un gros changement. Vous vous dites que ce que vous ferez ensuite ne peut être qu’un échec, comparé à ça (rire)! Deux choses m’ont affranchi de ce blocage potentiel. Le retour de feu sur Internet, où plein de gens ont dit plein de mal du film. Et puis le travail. Vous commencez un nouveau projet et vous ne pensez plus à rien d’autre. Le changement qui est resté, c’est qu’à présent tout le monde veut faire un film avec moi. Up In The Air, qui est un film difficile en termes de budget, n’aurait jamais reçu le feu vert sans le succès de Juno.

Rencontre Louis Danvers

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