Extrême Orient – Les mangas seinen, crus et violents, dérapent parfois sévèrement. La preuve avec trois manuels de nationalisme nippon à l’usage des jeunes Japonais.

Japan/Oh-Roh/1549 Commando Samouraï

Japan et Oh-Roh, de Buronson et Kentaro Miura, Glénat.

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1549, Commando Samouraï, de Ark Performance et Harutoshi Fukui, Dargaud.

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Lorsque le scénariste de Ken le Survivant – surnommé Buronson en hommage à Charles Bronson, tout un programme – rencontre le dessinateur de Berserk, cela donne le doublé Japan et Oh-Roh. Du lourd, du musculeux, du manga pour jeune homme (littéralement seinen) assaisonné d’une louche de nationalisme un peu voyant. Trop pour être vraiment malhonnête? On peut tenter de se rassurer en invoquant le Starship Troopers du cinéaste Paul Verhoeven, une critique des systèmes autoritaires taxée de « néonazie » à sa sortie.

L’histoire de Japan débute dans le Barcelone de 1992. Un yakuza poursuit de ses assiduités une jeune compatriote journaliste. Un séisme les projette, en compagnie d’étudiants et du bras droit du mafioso, dans un futur éloigné. Pas de chance: le monde n’est plus que désolation – et il semblerait bien que le Pays du Soleil levant, avec ses délires expansionnistes, n’ait pas amélioré les choses.

Derrière la critique très « premier degré » du consumérisme –  » nous avions beau avoir de grands coffres et de beaux réfrigérateurs, nous n’avions plus rien à mettre dedans » -, c’est une idéologie plus dérangeante qui perce. Le yakuza révèle en effet l’utilité de ses talents de meneur brutal, remontant la pente avec ses amis… pour s’effondrer devant de jeunes Nipponnes qui s’offrent aux vainqueurs néo-européens. Il ne reconnaît plus son Japon, son archipel triomphant et fier. Il rebâtira donc un Etat, baptisé Japan, sur le sang d’une sorte de Jésus postmoderne qui donnera sa vie pour lui. Un agneau sacrifié au nom de la loi du plus fort? Une philosophie tout en finesse…

Gloires passées

Le « monde flottant » n’a pas davantage réglé ses comptes avec sa temporalité dans Oh-Roh. Iba, à la fois historien et champion ultra-athlétique de kendo (!), disparaît dans un vortex. Sa compagne, la (forcément) sexy Kyoko, empruntera le même passage pour le retrouver dans la peau d’un gladiateur, futur bras droit de Gengis Khan en personne. Où l’on apprend que ce dernier, loin d’être Mongol, est originaire du… Japon! Après un duel de titans, Iba prendra l’identité du terrible empereur, qui fut donc, en quel-que sorte, doublement japonais. C’était bien le minimum.

De ces deux monuments dressés au mauvais goût culturiste, on peut rapprocher 1549, Commando Samouraï. Derrière ce titre un peu ridicule se cache un manga non dénué de qualités. Ici aussi, l’obsession d’un glorieux passé imprègne le récit. Le colonel Matoba et ses troupes se retrouvent plusieurs centaines d’années en arrière, où ils changent sciemment le cours du temps. Des poursuivants sont envoyés pour les ramener à notre époque, car des trous noirs commencent à apparaître un peu partout sur l’archipel – et pas ailleurs: pourquoi? Mystère. Entre-temps, le colonel félon a tiré le meilleur parti de la situation, préparant de nouvel-les troupes pour les attendre de pied ferme. Avec de belles possibi-lités uchroniques à la clé… et cet incessant questionnement d’une gloire passée qui, décidément, semble tarauder les Japonais.

Vincent Degrez

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