Avec Daniel Craig, James Bond a enfin trouvé l’interprète que l’on attendait depuis… Sean Connery. Après l’impeccable Casino Royale, l’acteur rempile pour Quantum of Solace. Et se confie à Focus.

On le croyait, à vrai dire, pratiquement rangé des affaires, relique de la Guerre froide que ses évolutions successives avaient petit à petit détourné de son objet. Si bien d’ailleurs que James Bond – c’est de lui qu’il s’agit – semblait plus n’avoir à opposer à la concurrence que charme et désinvolture – arguments un brin désuets, on en conviendra, face aux Jason Bourne et consorts.

C’est là qu’entre en scène Daniel Craig, acteur britannique ayant fait l’essentiel de son parcours au théâtre ou dans des productions cinématographiques indépendantes – de Love is the Devil de John Maybury, à Hotel Splendide de Terence Gross; soit pas exactement le genre de CV dont sont bardés les aspirants agents secrets. Tout au plus si le Road to Perdition de Sam Mendes avait permis à un public plus large de prendre la mesure de son talent.

Contre toute attente, c’est pourtant vers lui que se tournent Barbara Broccoli et Michael G. Wilson, les producteurs, au moment de choisir le successeur à Pierce Brosnan, et donc celui par qui doit passer le renouveau de Bond. En guise de renouveau, il faut d’ailleurs plutôt parler d’un retour aux sources: Casino Royale est en effet le premier roman de Ian Fleming mettant en scène Double zéro sept, sur le point d’obtenir le fameux permis de tuer. Coup d’essai, et coup de maître: si le rôle de Bond l’a cueilli par surprise, Craig apparaît comme l’homme de la situation, modèle de sécheresse et interprète idéal de 007 depuis un certain Sean Connery, pas moins… La franchise aujourd’hui joliment relancée, on retrouve l’acteur à Bregenz, en Autriche, où la production de Quantum of Solace, 22e épisode de la série réalisé par Marc Foster, a installé ses quartiers. Investi, Craig témoigne aussi d’un sens de l’humour particulièrement aiguisé (et résolument british: on ne se refait pas…)

Focus: la pression est-elle plus importante pour Quantum of Solace qu’elle ne l’était pour Casino Royale?

Daniel Craig: oui, mais c’est une pression positive, qui résulte du succès du précédent. Si Casino Royale avait été un échec, je n’ose imaginer à quoi ressemblerait notre conversation. La pression est en effet immense; d’autant plus, en ce qui me concerne, que j’ai toujours affirmé vouloir être en mesure, quoiqu’il arrive, de me retourner et regarder ces films individuellement mais aussi comme un tout, pour voir s’ils tenaient la route en tant que tels. L’enjeu est avant tout de tourner le meilleur film possible.

Bénéficiez-vous de plus de liberté de la part des producteurs du fait du succès de Casino Royale ?

C’est en tout cas ce qu’ils se plaisent à me laisser croire (rires). J’ai fait mon petit bonhomme de chemin, mais ils m’en ont aussi donné l’opportunité. Avant d’entamer le second volet, nous avons eu une conversation autour de mon implication, du fonctionnement d’une entreprise aussi vaste, et de la façon dont je pourrais me saisir de différents aspects. Depuis, j’ai été impliqué aux différents stades, et cela continue – il y a maintenant plusieurs mois que je me suis totalement investi dans le projet.

Avez-vous notamment eu le « permis » d’en choisir le réalisateur?

C’est un processus collectif. Mais quand on a cité le nom de Marc Forster ( Ndlr, réalisateur de Monster’s Ball et The Kite Runner, notamment), j’étais extrêmement enthousiaste, en raison notamment de ses immenses qualités de conteur d’histoires. Nous avions l’avantage, pour Casino Royale, de pouvoir nous appuyer sur un roman. Ici, même en poursuivant l’histoire, nous devions réinventer quelque chose. Il fallait donc quelqu’un de la trempe de Marc pour appuyer l’histoire et ses personnages.

Casino Royale débutait en noir et blanc, sur un mode un peu arty. Peut-on s’attendre à quelque chose de comparable?

Non. Mais le production designer du film n’est autre que Dennis Gassner(1), dont le travail est fantastique. J’ai toujours aimé les premiers Bond, avec leur vision. Sans vouloir les imiter, nous cherchons à donner à ces films un style très fort. Bond le mérite: c’est une figure qui relève de l’icône de cinéma, nous devons au minimum lui donner le meilleur de nous-mêmes.

A quel point son univers vous était-il familier avant de tourner Casino Royale?

J’en étais à des millions d’années-lumière. Non, je plaisante, j’étais un amateur. Mais sans pousser jusqu’à m’habiller en James Bond en cachette, ni rêver de conduire une Aston Martin. Tout cela s’est produit de manière inattendue.

Qu’est-ce qui, selon vous, fait de Bond un tel mythe?

Une série de choses, à commencer par les romans de Ian Fleming. C’est aussi un personnage ayant un passé, et mythique en soi: l’homme seul, à la recherche de la vérité, et se battant contre les méchants, voilà une matrice intemporelle. Le mythe de Bond transcende les époques, le tout étant d’en perpétuer la pertinence.

Dans quelle mesure incarner James Bond a-t-il changé votre vie?

De façon incommensurable. Ne serait-ce que physiquement. Je ne pense pas que cela m’ait changé moi, encore qu’il me soit difficile de me prononcer, vous devriez demander à d’autres. Mais les choses sont différentes désormais. Je me déplace différemment, mes objectifs ont évolué – toutes choses globalement positives. A quoi s’ajoutent les petits inconvénients que vous pouvez imaginer: c’est un peu plus difficile de voyager, ou de faire certaines choses, mais rien qui soit fondamentalement problématique.

Vous trouvez encore le temps de vous consacrer à d’autres projets?

Oui. J’ai tourné un petit film avec un ami l’an dernier, et j’ai également achevé le tournage de Defiance de Ed Zwick, qui sortira à la fin de l’année, avant de commencer Quantum of Solace. Et là, je suis totalement investi sur le film. Quand je fais autre chose, ce n’est nullement en réaction à Bond, mais parce qu’il s’agit d’opportunités intéressantes. J’aime travailler, ce boulot me plaît.

(1) Collaborateur régulier des frères Coen depuis Miller’s Crossing, Dennis Gassner a également travaillé sur The Truman Show de Peter Weir, Road to Perdition de Sam Mendes, Big Fish de Tim Burton, ou tout récemment, The Golden Compass de Chris Weitz, avec… Daniel Craig.

RENCONTRE JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

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