Philippe Capart est auteur de BD, mais aussi un théoricien pointu voire obsédé par son art. Il publie un 12e numéro de sa revue Crypte Tonique, elle-même liée au contenu de sa boutique bruxelloise: bâtie sur un impressionnant fonds de revues et publications BD en tous genres, la Crypte de Philippe farfouille et décode son histoire, de manière toujours originale et pointue. Ce 12e numéro est ainsi consacré aux « patrons de la bande dessinée » et revient sur l’histoire des formats qui existent en BD, qu’ils soient standards comme le fameux A4, ou rares comme ce joli objet carré, de 31 cm de côté -« Un format quadrotto utilisé entre autres pour l’adaptation italienne du Flash Gordon d’Alex Raymond, dès les années 30. »

Comment t’est venue cette idée d’explorer les formats en BD?

Je me suis d’abord posé la question de ce format A4, qui n’est pas un standard international, mais qui a été inventé par une firme allemande qui avait trouvé la formule absolue, la bonne adéquation économique. Puis j’ai découvert que ce qui fait un format vient du « plano », cette feuille première qui sera pliée, repliée… Or la taille du plano a été imposée par l’ouverture des bras des personnes posant le papier dans le tamis… Des formats qui n’ont pas été réfléchis pour la BD, mais auxquels la BD s’adapte. La narration BD est plutôt née des magazines et de son système en colonnes, horizontales ou verticales.

D’où te vient cette passion pour la BD plus que pour les BD?

Il faut d’abord que ce soit narratif. Si c’est décoratif, du papier peint, je m’en détourne. Quand je lis les aventures de Tarzan, je trouve ça génial qu’il se balade en slip d’arbre en arbre, mais en même temps, j’aime bien savoir qui l’a dessiné, comment il a fait ses ellipses… ça fait partie du charme. Parce que je dessine aussi: je regarde presque par espionnage industriel! J’aime le spectacle, mais j’aime aussi attendre le clown à la sortie du spectacle.

C’est un art qui te semble plus nombriliste que les autres?

Non, le cinéma l’a fait énormément depuis Godard et Truffaut, ils ont commencé par disséquer avant de créer leur propre Frankenstein. Quand on a enlevé tous les trucs et astuces, il reste l’auteur, qui n’est pas cernable, et on est enfin face à l’homme qui a trempé sa plume et commencé sa page. La magie ne disparaît pas en découvrant les trucs du magicien.

Un besoin de légitimité peut-être?

Oh ça, ça fait longtemps que ça traîne. Si c’est pour légitimer, c’est dommage. Mais c’est passionnant si c’est par curiosité de savoir d’où vient la source, d’où vient cette manière de s’exprimer par une suite d’images. Moi je n’ai pas de démarche légitimiste, il n’y en a aucun besoin, c’est ça le truc: j’ai rigolé avec Gaston, je n’ai pas besoin d’avoir un pavé de 120 pages pour m’expliquer pourquoi j’ai rigolé.

CRYPTE TONIQUE N°12, LES PATRONS DE LA BANDE DESSINÉE, 25 EUROS.

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