polar mais pas trop – L’humour noir et décalé de Samuel Benchetrit fait merveille dans ce film choral aux accents criminels mais surtout très humains.

De Samuel Benchetrit. Avec Anna Mouglalis, Edouard Baer, Jean Rochefort. 1 h 48. Sortie: 26/03.Un parking aux trois quarts vide devant un restoroute. Un homme s’extrait de son véhicule à l’arrêt et se masque d’une cagoule. Il va, c’est sûr, braquer l’établissement. Quelques mètres plus loin, il se cogne contre un poteau d’éclairage. La caméra qui le suivait en travelling et qui l’a perdu en route fait machine arrière. Le malfrat n’est pas au bout de ses peines. Il a laissé son revolver dans la voiture, ses clés aussi d’ailleurs. Après s’être escrimé vainement à ouvrir la portière, il ne lui restera plus qu’à s’en aller boire un café là où il envisageait de commettre un hold-up.

TANDEMS MéMORABLES

La séquence d’ouverture de J’ai toujours rêvé d’être un gangster est un petit bijou de burlesque ralenti. Le ton y est donné, la suite conservera la note, offrant un cocktail d’humour noir et décalé qui se savoure avec jubilation. Edouard Baer est impeccable dans le rôle de l’apprenti braqueur, plus maladroit que malintentionné. Sa rencontre avec une sensuelle et mystérieuse barmaid, jouée de captivante façon par Anna Mouglalis, constituera le deuxième point fort d’un film qui en réserve plusieurs autres. Comme par exemple ces retrouvailles nocturnes entre deux chanteurs vieillissants, dont les carrières se croisèrent autrefois dans des circonstances quelque peu troubles. Alain Bashung et Arno signent à cette occasion un duo très rock’n’roll et réservant une surprise… Autre tandem mémorable du film de Benchetrit, celui formé par Serge Larivière et Bouli Lanners, qui campent deux kidnappeurs plus bêtes que méchants et confirment l’accroche belge d’un projet décidément bien intéressant.

Derrière la caméra, Samuel Benchetrit ( Janis et John) tire subtilement sur les fils d’une intrigue multiple où se frôlent les destins. Devant l’objectif, Jean Rochefort ajoute sa touche flegmatique en vieux gangster tenté par un come-back. Les scènes où cet ancien du braquage et sa bande de complices pas tous bien conservés devisent comme les bandits de Reservoir Dogs invitent à voir dans le film, par-delà sa drôlerie, une réflexion touchante sur le passage des années, l’âge qui pèse sur ce qui reste des plaisirs enfuis. Et une douce mélancolie de s’inviter dans le restoroute où convergent les parcours des différents protagonistes.

JOUISSIF

Le tout fait un spectacle éminemment jouissif, où passe l’ombre tutélaire d’un Jim Jarmusch auquel plus d’une scène (sans compter le noir et blanc) fait irrésistiblement penser. Mais s’il affiche très honnêtement ses sources d’inspiration en faisant au spectateur quelques clins d’£il assumés, J’ai toujours rêvé d’être un gangster est bien mieux qu’un pastiche. Il tire du mélange d’esprit « indie » américain et de frenchitude une identité que l’on prend grand plaisir à voir se révéler.

retrouvez louis danvers sur la première de la rtbf. chaque mercredi, entre 12 et 13 heures, louis danvers commente les sorties cinéma et l’actualité culturelle dans « culture club », l’émission de corinne boulangier et eric russon.

L.D.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content