Irréfutable essai de successologie

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Avec son Irréfutable essai de successologie, Lydie Salvayre se livre à un jubilatoire exercice littéraire d’une mauvaise foi crasse et donc réjouissante, de celles qui font pousser des “oh!” et des “ah!” et des “quand même elle exagère”. Elle propose une sorte de manuel des bonnes manières, à l’image de Jonathan Swift, qu’elle cite abondamment (l’auteur des Voyages de Gulliver a aussi commis de facétieuses satires comme ses Instructions aux domestiques), remplaçant en passant “nos anciens traités de savoir-vivre (…) par des traités de savoir-réussir, dont je me flatte d’avoir inauguré révolutionnairement le genre”. L’œuvre littéraire de l’autrice française arbore différents visages. De la lauréate du Prix Goncourt 2014 (pour Pas pleurer, ode à sa mère), on connaît les origines -fille d’exilés espagnols qui ont fui le franquisme- et la capacité à sonder la noirceur humaine, comme la peur de l’autre dans Tout homme est une nuit. La veine satirique, qui toujours affleure, explose parfois, comme dans son Portrait de l’écrivain en animal domestique, ou ici dans cet anti-guide de développement personnel, où l’ironie au poing et à la plume, elle règle son compte à une époque où tout s’achète, même (ou surtout?) le succès. Dans une langue flamboyante et acérée, Lydie Salvayre s’offre pour exutoire un portrait au vitriol d’un certain nombre de nos contemporains (et contemporaines), taillant notamment un costard sur mesure au monde de l’édition, avec une savoureuse “classification des écrivains” où elle ne s’épargne pas, elle, “l’écrivain transfuge ou écrivain intercalaire”.

De Lydie Salvayre, éditions du Seuil, 176 pages.

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