Intifada, la BO

Intégralement chanté en arabe, ce fascinant album enregistré lors de l’intifada palestinienne de 1987, est réédité. Devoir de mémoire.

Fin décembre 1987 débute la première intifada (« soulèvement » en arabe) où les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie se révoltent contre l’occupation israélienne. Mise dans des conditions de citoyens de seconde, voire de troisième catégorie, la jeunesse palestinienne en particulier s’oppose par la force des pierres et des cocktails Molotov à Tsahal. Cette révolte, qui fera près de 2 000 morts dans le camp du soulèvement et un peu de moins de 300 chez les Israéliens, s’éteint seulement à la fin de l’été 1993. On connaît la suite, et la litanie sans fin d’actions/répressions dont le dernier épisode date du printemps 2021. Une semaine après le début des affrontements de 1987, le musicien Riad Awwad se réunit avec trois de ses soeurs, et le plus fameux des poètes palestiniens, Mahmoud Darwish (1941-2008). Trois mille copies des onze chansons enregistrées dans un salon avec des instruments bricolés par Riad sortent alors sous forme de cassettes. L’armée israélienne, arguant que The Intifada 1987, est un manifeste de révolte en saisit la majorité.

Intifada, la BO

Dabka

En 2020, Mo’min Swaitat, fondateur palestinien du label londonien Majazz Project, se retrouve dans sa ville d’origine, Jénine, en Cisjordanie. Il rachète plusieurs milliers de cassettes gardées dans le magasin de musique de son enfance, désormais fermé. Parmi celles-ci, on l’a compris, se trouve une copie de The Intifada 1987, enregistrement étonnant et multiple, d’une indéniable valeur historique, mais aussi d’une fibre intensément poétique via les lyrics engagés et rêveurs de Darwish. Si les textes sont en arabe, les titres en anglais donnent suffisamment le ton du sujet: My Land My People, Homeland, Uprising, Childhood Dream. Voilà un objet musical de charme et de force, de coeur et de choeurs. Mais comme pour le gospel, on peut délaisser l’intention engagée/politique/frondeuse du contexte, et juste se laisser à l’hypnose musicale. Si les voix laiteuses de Riad et de ses soeurs mènent la ronde, si l’objet unit autant l’expression adulte que celle de l’enfance, c’est aussi parce qu’il a ce côté immédiat, charnel, bricolé, vrai. Avec toutes sortes de pistes: dub artisanal ( Intifada), dabka façon Omar Souleyman ( I’m from Jerusalem), synth-pop oriental ( Homeland), réminiscence des Balkans ( Forty Years), etc. Une ferveur dans l’urgence de témoigner qui a cette façon particulière de faire sonner la langue arabe. Par rapport aux variations plus gutturales de l’Afrique du Nord, le palestinien est comme le brésilien au portugais: une mélodie naturelle.

Riad Awwad, Hanan Awwad & Mahmoud Darwish

« The Intafada 1987 »

Distribué par Majazz Project.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content