The Irish Connection – Deux tueurs à gages irlandais sont envoyés In Bruges pour se faire oublier. Les canaux de la cité flandrienne sont toutefois propices au vague à l’âme…

De Martin McDonagh. Avec Brendan Gleeson, Colin Farrell, Ralph Fiennes. 1 h 40. Universal.

Au sortir d’un coup particulièrement foireux – il y a eu mort d’enfant -, deux tueurs à gages irlandais sont envoyés à Bruges pour se refaire une santé – entendez se fondre parmi les gargouilles. Si l’aîné, Ken (Brendan Gleeson), philosophe, s’accommode sans mal de la situation – à croire qu’il a attendu toute sa vie pour se muer en touriste professionnel, en quête d’un sens profond aux choses -, le cadet, Ray (Colin Farrell), nerveux, ne cherche même pas à dissimuler son ennui à défaut de pouvoir le noyer dans quelque pint, donnant du « shit hole » à chaque coin de ruelle.

Dans l’attente d’instructions de leur boss, l’énigmatique Harry (Ralph Fiennes), les deux compères n’ont d’autre ressource, en effet, qu’arpenter la cité médiévale jusqu’en ses moindres alcôves. De rencontres inopinées en tournage quelque peu allumé et autres rebondissements malvenus, leur villégiature prend bientôt un tour inattendu. « C’est peut-être ça, l’enfer », ne pourra qu’observer laconiquement Ray.

Premier long métrage du réalisateur irlandais Martin McDonagh (Oscar du court en 2005 pour Six Shooter), In Bruges s’inscrit au croisement de genres, polar very british lorgnant volontiers la comédie noire (avec quelques perles d’humour grinçant, en ce compris la blague belge la plus atroce entendue depuis des lustres). Le tout, relevé aussi de ce qu’il faut de psychologie, assaisonnée encore de considérations existentielles plus ou moins finaudes, en un cocktail pour le moins détonant.

Bruges, l’irréelle

Fort plaisante réussite, modèle de simplicité et d’efficacité, le film doit beaucoup à son trio d’acteurs vedettes, impeccable. Et guère moins à son cadre, dont la splendeur renforce le sentiment de décalage et d’irréel. Promue personnage à part entière du film, Bruges s’impose comme une évidence – on se demande, à vrai dire, comment la cité flandrienne n’a pas attiré plus de productions internationales par le passé. Les divers compléments proposés permettent d’en prolonger la visite. Au fil des canaux, d’abord, pour un module résolument touristique; au gré d’un journal de tournage en deux temps ( A Bruges et Making of), ensuite. De ce dernier, il ressort notamment que l’idée du film prit forme lorsque, visitant Bruges, Martin McDonagh fut surpris de ne jamais l’avoir vue à l’écran, non sans être à la fois séduit et ennuyé par la ville, soit le double point de vue développé par les personnages de In Bruges. Un bêtisier anecdotique et de nombreuses scènes coupées, dont certaines hilarantes mais redondantes, complètent ces suppléments – plus classiques qu’un film aussi décoiffant que réjouissant.

Jean-François Pluijgers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content