à l’initiative de Focus, The bear that wasn’t, singer songwriter et globe-trotter limbourgeois, a rendu visite au Moon on earth, un autre adepte, montois celui-là, de la gratte acoustique. Le folk belge va bien. Merci pour lui.

Mons. Une splendide maison de maître. Un dimanche. Une de ces journées pourries par lesquelles on n’ose mettre le chien dehors et on roule à du 70 sur l’autoroute en voiture de sport. Nils débarque trempé de la tête aux pieds. Nils est venu à vélo. Entre les conditions atmosphériques apocalyptiques, une petite erreur de parcours et une crevaison, il a mis toute l’après-midi pour parcourir les 65 bornes qui séparent Bruxelles de Mons.

Nils Verresen, le bear that wasn’t, est un singer songwriter limbourgeois qui s’est lancé l’année dernière un défi totalement insensé: se produire gratuitement tous les jours pendant un an chez des particuliers.  » J’étudiais à Leuven quand des Gantois m’ont invité à jouer chez eux. Leur concept, c’était de ne pas rémunérer les artistes mais de les payer en cuisinant leur plat préféré. L’idée a germé. Deux semaines à peine se sont écoulées avant que je lance mes recherches de dates sur Facebook. Un mois plus tard, je présentais mon projet sur Studio Brussel. »

Nils a enregistré et sorti un album mais, troubadour des temps modernes, il est en train de démontrer qu’on peut vivre, ou du moins survivre, de sa musique sans en orchestrer une exploitation commerciale. Pour sa tournée, il s’est fixé 3 règles: changer d’hôte tous les soirs, ne pas emmener d’argent avec lui et ne jamais rentrer à la maison.  » C’est pour ça que je circule à vélo. Que je me fais nourrir et héberger« , explique l’ours une fois réchauffé.

Des vêtements pour une semaine, un kit en cas de fuite, quelques médicaments, un roman qu’il échange une fois terminé ( » Ça me permet d’avoir de la lecture « ) et un produit pour laver ses vêtements à sec ( » Je ne l’ai jamais utilisé« )… Nils voyage léger. Ce soir, il joue chez la belle-mère de Julien Crête. Le Moon on earth. Un musicien montois, jeune papa, dont le premier album, dépouillé, délicat, vient de sortir dans un relatif et regrettable anonymat. Le folk wallon rencontre en quelque sorte le folk flamand.  » Martin, mon guitariste, va bientôt arriver, lance Julien. Il est dans le coin. Il s’est cassé la main au rugby et débarque dès qu’il sort de l’hôpital. » Julien ne se tracasse pas pour le concert qui l’attend une semaine plus tard. Le bonheur recèle toujours une part d’insouciance…

Une guitare (sortie d’un sac poubelle) et une voix. Il n’en faut pas plus au bear that wasn’t pour charmer son auditoire dans une ambiance chaleureuse et familiale au pied d’un feu de bois. Le téléphone sonne. La maîtresse de maison s’éclipse puis revient aux côtés de Nils le cornet en main histoire de faire écouter un petit bout de concert à son fils parti vivre en Angola. Entre les morceaux, sur le ton de la confession, le garçon raconte quelques petites anecdotes relatives à ses chansons. Des histoires, il en a plein son sac. Dans son improbable tour des Flandres, il a déjà joué devant une seule et unique personne comme pour une centaine de gamins turbulents. Il a passé Noël en compagnie d’un couple de sexagénaires veufs.  » Une fille m’a même demandé de jouer chez elle en stipulant que le concert risquait d’être annulé parce qu’elle souffrait d’un cancer. Ce n’est pas toujours facile mais ces rencontres m’ont nourri. Rien n’est plus chiant que les groupes à succès qui chantent le champagne et les hôtels 5 étoiles…  »

Le nord et le sud

Julien et Nils, qui termineront la soirée en reprenant ensemble les Beatles et en partageant leur amour pour Sufjan Stevens, Elliott Smith, Bright Eyes, Laura Veirs et Neil Young, sont plutôt bien placés pour évoquer l’émergence, disons même l’essor, d’une scène folk belge qu’on n’imaginait pas aussi fertile. Au nord, quand on dit folk, on pense au Bony King of Nowhere, à Isbells, Nona Mez (moins passionnant) et aux vieux Admiral Freebee… Au Sud, on cite Lionel Solveigh, Soy Un Caballo (paix à son âme) ou encore Dan San… Déséquilibré?  » Je pourrais donner le nom de 10 folkeurs flamands mais pas 5 wallons, avoue Julien, qui a enregistré son disque presque par hasard . J’ai commencé à composer sérieusement vers l’âge de 25 ans. Je me suis retrouvé à un moment avec une cinquantaine de morceaux sur mon ordi et je me suis demandé si j’effaçais tout ou si j’allais en faire quelque chose.  » Il a fini par enregistrer son disque en 2 jours à Bruxelles dans un studio surtout branché rap et world music pour la modique somme de 500 euros.  » La pochette, c’est la cousine de ma compagne qui l’a peinte. Elle était dans notre salon depuis 10 ans« , lance-t-il en rigolant.

 » C’est facile aujourd’hui d’enregistrer des chansons et de les mettre en écoute sur Internet, remarque Nils. J’ai eu de la chance. Mon troisième concert, je l’ai donné à l’Ancienne Belgique. Mais côté flamand (on ne peut pas en dire autant en Wallonie, ndlr) , on a pas mal de chouettes scènes comme le Vooruit, le Trix, le Depot, qui permettent aux jeunes artistes de s’exprimer. Il manque surtout une bonne station de radio. Une alternative aux chaînes commerciales. La plupart de mes artistes préférés, je les entends rarement sur les ondes. Mais je pense malgré tout que Duyster, l’émission folk programmée par Stu Bru depuis 10 ans, a suscité des vocations… »

Nils aimerait bien se trouver un successeur. Quelqu’un d’assez fou pour reprendre un an durant sa casquette de song-writer globe-trotter. Pour l’heure, il est surtout temps d’aller se coucher. Il aura encore bien des kilomètres pour méditer. l

www.myspace.com/thebearthatwasnt

www.myspace.com/moononearth08

Texte Julien Broquet, Photos Olivier Donnet

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