Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Trou d’air – Douze ans après Celebrity Skin, Courtney Love réactive seule son groupe Hole. Grunge’s not dead?

« Nobody’s Daughter »

Distribué par Universal.

C’est officiel: le grunge est de retour. Au menu, chemises de bûcheron, jeans troués, cheveux gras, le tout sur des guitares qui pèsent 10 tonnes… C’est donc reparti comme en 90, avec les récentes reformations d’Alice In Chains et Soundgarden, Pearl Jam ayant eux ressorti Ten en édition Deluxe l’an dernier…

Aujourd’hui, c’est Hole qui revient aux affaires, et c’est un petit événement. Notamment du fait de la personnalité de sa leader. Courtney Love aura ainsi autant servi Hole, de par son aura, qu’elle ne l’aura empêché de s’émanciper complètement: il a fallu du temps pour que la (maigre) discographie du groupe (3 albums) puisse être évaluée à sa juste valeur. Autrement dit, en dehors de l’ombre de Nirvana, la formation du mari de Courtney Love… Avec le recul, Live Through This, sorti 4 jours après le suicide de Kurt Cobain, ne doit plus justifier sa place parmi les 10 disques essentiels du genre, tandis que Celebrity Skin (1998) représente toujours une porte de sortie parmi les plus élégantes et futées.

Seule à bord

Le temps a donc fait son office. Paradoxalement, c’est au moment où Hole a gagné une identité et une épaisseur que Courtney Love l’en vide complètement en réactivant seule la « marque ». Formellement d’abord: du groupe de base, il ne reste plus que la chanteuse. Pas de trace de la bassiste Melissa Auf Der Maur, ni du guitariste Eric Erlandson, seul membre d’origine ayant participé aux 3 albums des années 90. Erlandson déclarait même fin 2009 ne jamais avoir donné à Love l’autorisation d’utiliser le nom du groupe, comme cela avait été apparemment légalement entendu. « Son management m’avait même convaincu qu’elle ne serait de toutes façons jamais capable de terminer le disque », confiait-il récemment…

En attendant, le nouveau Hole est bien là. Six ans après son seul album solo (le poussif America’s Sweetheart), Courtney Love sort Nobody’s Daughter. Sur la pochette avant, une peinture de Marie-Antoinette décapitée (la peinture, pas la reine); à l’arrière, L’exécution de lady Jane Grey de Paul Delaroche. Si ce n’était clair assez, Love entend bien réactiver la figure doloriste de l’artiste maudite. Et après tout, qui d’autre aujourd’hui, hormis Amy Winehouse, pourrait se le permettre? Les excès, les drogues, les comportements erratiques et violents… Love a toujours collectionné les dérapages plus ou moins contrôlés (son concert prévu aux Nuits Botanique a été annulé, officiellement pour lui permettre de répondre à une convocation de la justice…).

Courtney est une figure tourmentée. Pourquoi alors ne croit-on que rarement à ce Nobody’s Daughter? Parce qu’il se replonge dans un genre, le grunge, qui n’a plus aujourd’hui qu’une très faible pertinence? Dans ce rayon-là, seul un titre comme How Dirty Girls Get Clean apporte vraiment quelque chose, là où Skinny Little Bitch peine à éviter l’autoparodie. Régulièrement, Love paraît aussi isolée d’un groupe qui joue trop souvent de manière anonyme. Significatif: c’est encore quand Love se laisse aller à un léger Pacific Coast Highway, plus proche des ambiances californiennes de Celebrity Skin, qu’elle résonne le plus juste.

Foncièrement, le disque n’est pas mauvais. C’est juste un coup dans l’eau. Comme un geste un peu vain qui tient du demi-échec. Même s’il représentera peut-être une semi-victoire aux yeux de Love, toujours à 2 doigts du chaos…

Laurent Hoebrechts

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