DEUX ANS APRÈS LE SUICIDE DE SUPERGRASS, GAZ COOMBES ACCOUCHE DE SON PREMIER ALBUM SOLO. RENCONTRE AU SOLEIL AVEC LES PLUS BELLES ROUFLAQUETTES DE LA BRITPOP.

À 36 piges (on ne rajeunit pas), le chanteur et guitariste de feu Supergrass se lance dans sa première échappée en solitaire. Souriant, rigolo, toujours aussi décontracté, Mr Nice Guy raconte Here Come The Bombs ( lire critique page 35) et sa nouvelle vie… Alright?

Le titre de l’album, c’est un constat politique ou une manière prétentieuse de présenter le disque?

C’est une métaphore. Je pensais à ces onze petites bombes, à ces onze explosions de musique. Et en même temps, il y a quelques allusions çà et là dans le disque à la guerre et à son absurdité. Ce ne sont pas des déclarations politiques, je suis tout sauf un expert. Il s’agit juste d’observations: j’ai été témoin à travers les médias de tas de guerres, et j’ai deux enfants maintenant qui me posent des questions sur le sujet…

I Should Coco ( premier album de Supergrass en 1995, ndlr) était une photo de nos 17-18 ans. J’ai mûri depuis. Quand tu es jeune, tu dois être naïf et stupide, véhiculer une énergie désinvolte. C’est facile de faire son vieux con, de prétendre savoir comment les choses doivent être faites. Il faut comprendre les gosses, leur laisser commettre leurs propres erreurs. Il est important de se tromper pour avancer. On doit tous traverser des moments sombres, perdre des gens qu’on aime. Le test est de voir comment tu sors de ces épreuves. Comment tu grandis… Je ne vis pas dans la peur aujourd’hui, la crainte n’est jamais très bénéfique. Mais je suis souvent frustré par ce que je vois et entends.

Vous avez fait quoi, vous, comme conneries?

Mes erreurs n’en étaient pas vraiment. Il s’agissait juste d’aventures. J’ai emprunté de mauvaises routes, rencontré de mauvaises personnes. Celles qui te donnent la mauvaise pilule. Le genre de trucs à cause desquels tu te fais choper par les flics et te retrouves en cellule. En même temps, ces histoires font celui que je suis…

Comment est né ce premier album solo?

Ce sont des idées, des chansons qui me sont venues sans que je puisse vraiment expliquer comment. Elles reflètent une certaine énergie, des choses qui se promenaient dans ma tête et que je voulais coucher sur bandes aussi vite que possible. Supergrass était un super groupe. Chacun était accroché à son instrument. En solo, j’ai dû me mettre à tout gérer sans musiciens. J’ai donc commencé avec des bruits, des bips, des tic toc… C’était intéressant de bosser avec ce synthétiseur dont je pouvais sortir plein de sons géniaux. Je ne voulais plus me retrouver dans un environnement où tu dois te réunir pour prendre la moindre décision. Où tout le monde doit être content avant de pouvoir avancer. J’ai été pendant si longtemps dans Supergrass que je ne pouvais m’imaginer le remplacer. Je me suis donc mis en tête de jouer ma musique et de m’entourer de super musicos. Des amis. Joe joue dans Spring Offensive. Laurence Colbert faisait partie de Ride. Puis il y a aussi Charly, mon plus jeune frère. Ils sont tous d’Oxford, où je suis retourné m’installer. J’ai quitté la ville quand j’avais 17 ans. J’habitais à l’époque dans une rue peuplée de dealers, de marginaux, d’artistes. Ce qui était plutôt fun. Mais je ne savais rien de la ville, de son histoire, de sa culture.

Ce nouvel album a été influencé par les BO de John Barry et de John Carpenter…

Par Morricone et Schifrin aussi. J’aime beaucoup les bandes originales. J’en écoute depuis des années. On s’en échangeait déjà du temps de Supergrass. J’aime l’espace dans ces disques. Les voix arrivent rarement avant 2 minutes 30. Tu as des super longues intros. Pendant l’enregistrement de mon album, j’ai imaginé de petits sketches. Comme des petites scènes de films. Des références visuelles aux chansons. C’était génial. Je vois mon album comme un film dont je suis le réalisateur. Qui jouerait dedans? Je ne sais pas. Johnny Depp? Je n’ai pas été aussi loin… J’essaie de ne pas me laisser bouffer à ce point par mes fantasmes. Mais j’aimerais bien que Tim Burton réalise un de mes clips.

Il passe son temps à quoi, Gaz Coombes, dans la vie de tous les jours?

Je m’occupe beaucoup de mes enfants. La vie est si courte… Courte et bien remplie. Quand je rentre à la maison, je veux pouvoir tout calmer. Regarder des films, boire du vin, apprendre à mes kids à jouer de la musique. Ma plus grande fille a 8 ans et elle est vraiment obsédée par Michael Jackson. Peut-être que, s’il était encore vivant, il aurait été obsédé par ma fille…

Vous qualifiez votre album de  » cinématique, énergique et psychédélique« . Qu’est-ce qu’il a de psychédélique, ce disque?

Il y a des tas de manières d’être psychédélique. Mais prends Sub Divider, qui était deux chansons au départ. Au milieu du morceau, la guitare acoustique débarque, venue de nulle part. Tu commences avec un truc électronique à la Kraftwerk. Et puis, c’est comme si tout à coup un groupe entrait dans le studio, hurlait allez vous faire foutre, mettait sur la gueule de Kraftwerk et commençait à jouer cette espèce de cool chanson. Ça, pour moi, c’est psychédélique. Surréaliste.

Paraît que vous voyez encore souvent les autres membres de Supergrass. Vous faites quoi ensemble maintenant?

Avec Danny, on glandouille pas mal. Nos gosses s’entendent bien. Mick joue avec quelques types pour l’instant et a utilisé mon studio pour enregistrer un EP. Ça s’appelle The DB Band. On a passé un peu de temps tous les deux. C’était cool. Je pouvais lui laisser faire tout ce qu’il voulait. On ne devait pas débattre de toutes nos idées. Avec Danny, l’an prochain, on va probablement enregistrer un deuxième album des Hot Rats. On avait une super vibe avec Nigel Godrich. Puis, je sortirais bien un deuxième Gaz Coombes. J’ai des idées de trilogie… l

HERE COME THE BOMBS DISTRIBUÉ PAR EMI.

ENTRETIEN JULIEN BROQUET

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