Hantée

L’expression « laisser tout derrière soi » est une chimère, surtout lorsqu’on est femme, iranienne et dessinatrice. Ainsi l’autrice de ce présent Hantée qui raconte comment, à l’âge de 30 ans, enfin installée à Montréal après un mariage blanc, le poids des traditions et de la religion continue de la hanter sous la forme d’une vieille femme absolument abominable. Une imaginaire bigote ultraconservatrice dans ses pratiques de l’Islam, usant de l’insulte et de la menace dans presque chacun de ses gestes quotidiens: boire un verre, fumer une clope, faire du vélo… Cette incarnation originale et très iranienne de la psyché perturbée de Shaghayegh Moazzami s’avère très moderne dans la narration, la mise en scène et les compositions de ce carnet de bord et de vie pas comme les autres. Les grandes cases charbonneuses et silencieuses succèdent à de longs récitatifs. Le récit réussit l’exploit de se lire comme un documentaire, malgré la présence de ce fantôme qu’on ne souhaite à personne: les plus belles envolées graphiques de la dessinatrice étant ce visage mauvais et perpétuellement encapuchonné de noir, capable effectivement de vous hanter longtemps.

Hantée

De Shaghayegh Moazzami, éditions Çà et Là, 208 pages.

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