Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

All That Jazz – Cet Anglais exilé en Amérique évoque un Jason Mraz qui aurait beaucoup écouté Cole Porter.

« Promise Of A Dream »

Distribué par V2.

« Songwriter, jazz musician, filmmaker, astronaut. » Voilà comment se présente le musicien sur son propre site: possible diversion chargée de nous faire croire qu’il est bien le type vendant ses disques au porte à porte dans un faubourg sud-californien. Comme on le voit dans un de ses mini- films faits avec 3 sous de vidéo et un humour qui flirte dangereusement avec le potache en kit . Le côté astronaute, on ne saisit pas très bien à moins que tous ces morceaux gonflés à l’hélium ne finissent par former plusieurs étages d’une fusée qui plane vraiment. Dit comme cela, ce n’est guère plus excitant qu’un galet de plage, mais la musique vaut davantage. Le disque qui arrive dans nos contrées est une compilation d’albums précédents ( Heartstrings, Bird In A Cage) et prolonge une quinzaine de rondelles dont l’une fut produite par Jason Mraz en personne. Ce nom-là est venu dans la foulée d’une rencontre de Gregory avec A.J. Croce, pianiste doué et fils du songwriter US précocement crashé en avion (Jim Croce, 1943-1973). Tout cela forme une sorte de toile de bienveillance autour de Page, sans doute un peu vieux pour s’éblouir des émoluments de la gloire: il a 47 ans. Mais assez mûr pour dompter un style identifiable: vocaux de narrateur intimiste, tempo et arrangements jazzifiants et, surtout, talent pour les mélodies qui flirtent avec le meilleur du patrimoine américain. Sans les pompes ni les circonstances.

Le spleen

Né Anglais de parents irlandais et arméniens qui passaient par Londres en route pour le Moyen-Orient, Page s’est tiré à San Diego dès qu’il a pu, se rapprochant géographiquement de tout ce qu’il aime: Cole Porter, Nat King Cole, Louis Armstrong et des centaines d’autres souvenirs moins connus collectés chez un disquaire maniaque du coin. Tels que les enregistrements de l’Anglais (d’adoption) Al Bowlly, immigré aux USA avant guerre, pour y décrocher une carrière de blanc mélancolique. Faudrait pas s’y tromper: Gregory Page n’est pas un marmiton réchauffant d’anciens croûtons de crooners échappés de chez Madame Tussaud. Il s’inspire de la nonchalance d’autrefois et la plonge dans un actuel folk au sang spleen. Avec une dose de charmante désinvolture travaillée. De fait, guitare acoustique et cordes arrosent les mélodies d’une pluie tiède sous laquelle il fait bon se promener: Bird In A Cage, Oceans Of Memories ou Foolish Heart ont la qualité placide des bonnes chansons de Randy Newman, en en partageant même occasionnellement la formule caustique. Alors, avec son allure de libraire beatnick un jour de mariage, ses chapeaux presque mous et ses lunettes cerclées d’espion russe, Monsieur a beau sonner comme la semaine dernière ou la dernière invasion de sauterelles, il mériterait d’être, ben oui, un peu à la Page. l

www.gregorypage.com

Philippe Cornet

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