DAVID FINCHER SIGNE UN THRILLER LÉCHÉ À L’EFFICACITÉ ÉPROUVÉE, FASCINANT JEU DE MIROIRS HABITÉ PAR BEN AFFLECK ET ROSAMUND PIKE.

Gone Girl

DE DAVID FINCHER. AVEC BEN AFFLECK, ROSAMUND PIKE, KIM DICKENS. 2 H 29. SORTIE: 08/10.

7

On attendait, non sans curiosité, son remake annoncé de 20 000 Leagues under the Sea, le classique de Richard Fleischer, projet semblant malheureusement avoir sombré corps et biens. En lieu et place de quoi David Fincher (lire aussi page 32) s’est donc replié en terrain familier, signant avec Gone Girl un nouveau thriller, genre dans lequel son savoir-faire n’est plus à souligner -difficile, en tout état de cause, de surpasser Zodiac et sa géométrie proche de la perfection.

Adaptée par l’auteure américaine Gillian Flynn de son best-seller Les Apparences, l’histoire a pour cadre North Carthage, une petite ville cossue du Missouri, lieu de résidence de Nick et Amy Dunne (Ben Affleck et Rosamund Pike), un couple bien sous tous rapports. Voilà en tout cas pour la version officielle, un plan -la voix off d’Affleck sur le visage insondable de Pike- suffisant à instiller un malaise qui va aller se renforçant lorsque, au jour de leur cinquième anniversaire de mariage, la jeune femme disparaît, enlevée selon toute vraisemblance. Tandis que la mobilisation est à la mesure de l’émoi, immense, les soupçons ne tardent pas à se reporter sur Nick, attisés par son comportement ambigu assorti de révélations fissurant l’unité de façade du couple, mais aussi par l’affolement médiatique… Et l’ex-gendre idéal, époux modèle de la « Amazing Amy » des livres pour enfants, de revêtir le costard de l’ennemi public numéro un, suivant une mécanique aux rouages impeccablement huilés…

Polar de la pénombre

Fincher n’a pas son égal pour trousser des thrillers haletants, et celui-ci ne rend guère en efficacité ni en virtuosité à ses plus grandes réussites en la matière. Happant le spectateur d’entrée, Gone Girl ne relâche plus son étreinte, polar de la pénombre agencé en un fascinant jeu de miroirs, et érigeant, une architecture savante à l’appui, la manipulation au rang d’art, ou peu s’en faut. Soit un divertissement de haut vol, dont la maîtresse exécution a pour pendant une interprétation idoine -aux côtés d’un Ben Affleck à l’appréciable consistance, Rosamund Pike s’acquitte avec brio d’un rôle kaléidoscopique.

Ces incontestables qualités posées, le film laisse pourtant quelque peu dubitatif, n’excédant guère l’exercice de style, aussi brillant soit-il. L’on pourra certes y voir accessoirement une réflexion amère sur le couple ou une autre, plus incisive et non dénuée d’humour noir, sur la dictature de l’image, et sa capacité à se jouer des opinions versatiles. Rien, pour autant, dans Gone Girl qui n’ait l’ambition de Fight Club, Zodiac ou The Social Network, accomplissements majeurs ayant fait de Fincher l’un des cinéastes les plus captivants de son temps. Lequel semble ici se contenter de jouer la sécurité, n’en baladant pas moins avec maestria les spectateurs dans les méandres d’une intrigue à tiroirs…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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