L’empire du crime – Matteo Garrone porte un regard sans concessions sur la mafia napolitaine. Et signe un film intense et fort, Grand Prix du dernier festival de Cannes.

De Matteo Garrone. Avec Toni Servillo, Gianfelice Imparato, Maria Nazionale. 2 h 15. Sortie: 03/09.

Gomorrhe aux mains de la Camorra: la contraction parle d’elle-même. Elle pose aussi le cadre initial d’un film en forme de plongée au sein d’un empire du crime tout contemporain celui-ci, à savoir Naples et sa région, livrées à la mafia locale. Pour appréhender cette réalité, Gomorra, qu’a inspiré le best-seller éponyme de Roberto Saviano, s’appuie sur une mosaïque d’histoires et de destins convergents. Il y a là deux petites frappes se la jouant Scarface, un jeune homme utilisé à monter de juteux trafics de déchets toxiques, un distributeur de rentes pour inféodés méritants, un gamin rêvant d’intégrer l’organisation, ou encore un couturier d’exception, petites mains contribuant à l’essor de l’entreprise. Autant de personnages entre lesquels le film opère d’incessants chassés-croisés, pour composer un puzzle saisissant en une expérience qui s’apparente à une immersion au c£ur même de l’organisation.

à L’HEURE DE LA GLOBALISATION

S’aventurant à Scampia, quartier de Naples au paysage bétonné et plaque tournante du trafic de drogue, Gomorra préfère en effet à la photographie distanciée une mise à plat proprement suffocante. Stylisé mais réaliste en même temps, s’attachant à de petites gens auxquelles il donne chair et épaisseur plutôt qu’aux caïds, le film retrace dès lors un quotidien entièrement conditionné par le crime: jaillissements de violence, bien sûr, mais plus encore, ces gestes et comportements de tous les jours qui traduisent combien la Camorra s’est substituée à tout autre tissu sociétal.

Prolongement de ce constat: hors la Camorra point de salut, ou peu s’en faut, tant l’horizon tout entier semble sous le contrôle d’un système sans failles apparentes. Ce dont, du reste, personne ne semble s’étonner tant il n’y a là que l’expression d’une banale réalité. Et le reflet de la faculté d’adaptation de la Camorra, sachant du reste largement déborder le terrain local pour étendre son empire jusque dans les recoins et les domaines les plus surprenants – la criminalité organisée aussi vit à l’heure de la globalisation, d’immenses profits à la clé.

PRIS SUR LE VIF

îuvre coup de poing, Gomorra réussit le tour de force de combiner ces différents niveaux dans un même mouvement sans jamais apparaître comme un catalogue de mauvaises intentions. Comme pris sur le vif, le film place le spectateur au c£ur de son dispositif, en faisant le témoin privilégié d’une réalité abrupte, d’autant plus forte voire insoutenable que dénuée ici de tout glamour rassurant.

C’est dire si, traitant de la « pieuvre » comme jamais aucun film auparavant, Gomorra est aussi le témoignage éloquent, avant les sorties prochaines de Il Divo de Paolo Sorrentino, et Caos Calmo d’Antonello Grimaldi, de la vitalité retrouvée du cinéma transalpin. Nul ne s’en plaindra…

à lire également l’interview de Matteo Garrone en page16; de même que le dossier consacré à la mafia italienne dans Le Vif/L’Express de ce jour.

www.gomorra-lefilm.com

Jean-François Pluijgers

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