Golden eighties

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Mikhaël Hers filme une femme à la croisée des chemins dans la France de Mitterrand. Un portrait sensible qu’illumine Charlotte Gainsbourg.

Une paire de films –Ce sentiment de l’été en 2015, qu’allait suivre Amanda trois ans plus tard- ont imposé Mikhaël Hers comme le tenant inspiré d’un cinéma intime et frémissant, en prise sur la géographie multiple des sentiments qu’il sait comme peu d’autres rapporter à la vibration d’une époque. Celle des Passagers de la nuit, ce sont les années 80, le film s’ouvrant le 10 mai 1981, dans une France portée par un vent d’espoir et d’allégresse après l’élection de François Mitterrand. Euphorie hautement communicative, mais néanmoins passagère: trois ans plus tard, l’humeur s’est singulièrement assombrie pour Élisabeth (Charlotte Gainsbourg), tout juste quittée par son mari, et tentant, depuis son appartement de Beaugrenelle, de faire front, entre ses deux enfants adolescents, Mathias (Quito Rayon-Richter) et Judith (Megan Northam), et la recherche fort hypothétique d’un emploi. Et le spleen de méthodiquement l’envahir, la voix de Vanda Dorval (Emmanuelle Béart), l’animatrice de l’émission Les Passagers de la nuit et compagne des insomniaques, lui tenant lieu de boussole au cœur du brouillard de son existence. Un programme nocturne qu’elle va bientôt rejoindre pour recueillir les appels des auditeurs, faisant par la même occasion la connaissance de Talulah (Noée Abita), jeune écorchée à qui elle va offrir de l’accueillir, pour un temps tout au moins, la famille ainsi recomposée entamant un bout de chemin ensemble…

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Une bulle bienveillante

Mikhaël Hers avait une dizaine d’années au milieu des années 80, une époque qu’il enveloppe d’un filtre où perce généreusement la nostalgie, pour son cinéma -avec une citation lumineuse des Nuits de la pleine lune d’Éric Rohmer-, comme pour sa musique, des Pale Fountains avec le déchirant Unless, à Lloyd Cole & the Commotions, pour le carillonnant Rattlesnakes. Sans même parler d’un air du temps auquel le réalisateur a veillé à préserver une douceur d’autant plus enivrante qu’elle semble aujourd’hui totalement anachronique. Soit le cadre idoine pour un récit d’apprentissage pluriel, qui va voir ses protagonistes tenter de s’inventer pour les uns, se réinventer pour les autres, perspective imprimant son mouvement délicat et fluide à l’ensemble. Dire que l’on s’y sent bien est un euphémisme: le spectateur est gagné par un enivrant sentiment de sérénité à la découverte de ce film que Charlotte Gainsbourg, émouvante comme rarement, illumine de sa présence fragile. Perle ultra-sensible, Les Passagers de la nuit envisage le cinéma comme une bulle, lumineuse et bienveillante, ouvrant sur une multitude de possibles. Ne reste plus, dès lors, qu’à s’y lover… Sans conteste, l’un des plus beaux films sortis ces derniers mois.

Les Passagers de la nuit

De Mikhaël Hers. Avec Charlotte Gainsbourg, Noée Abita, Quito Rayon-Richter. 1 h 51. Dist: Cinéart.

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