calque parfait – Dix ans après, Michael Haneke signe un remake américain plan pour plan de son Funny Games. Affolant.

De Michael Haneke. Avec Naomi Watts, Tim Roth, Michael Pitt. 1 h 51. Sortie: 16/04.

Un couple aisé, leur garçon, et leur chien sont en route pour leur cadre habituel de villégiature. La route défile au son d’un quiz musical, tandis qu’on approche de leur destination. Insensiblement, l’atmosphère s’épaissit, sentiment renforcé lorsque les voisins, des amis pourtant, se montrent curieusement absents. Et qui sont donc ces deux jeunes gens, bien propres sur eux, qui les accompagnent?

Affairée à leur installation, Anna (Naomi Watts) voit débarquer l’un d’eux, Peter (Brady Corbet), venu lui emprunter des oeufs avec la plus exquise courtoisie, quoique assortie d’une insistance déplacée. Lorsque, un peu plus tard, le gaillard se représente, pour formuler la même demande, la situation se dégrade. Pour Anna et sa famille, la glissade dans l’horreur a débuté…

Cette scène vous est familière? Normal: Funny Games U.S. est le remake américain plan pour plan que signe Michael Haneke ( voir également notre interview en page 12) de son propre Funny Games. Acteurs (avec aux côtés des susnommés, Tim Roth et Michael Pitt) et idiome mis à part, cette version est le calque parfait de l’original; tout au plus si le cinéaste introduit une légère modification de dialogue, par souci, sans doute, de coller avec la réalité américaine. Si l’on peut légitimement s’interroger sur la nécessité de la démarche, sa substance, à savoir une réflexion sur la violence confrontant le spectateur-voyeur à sa propre complaisance, n’en demeure pas moins d’une rare acuité.

intense malaise

Non content d’installer d’entrée de jeu une tension implacable, Haneke gomme ensuite les artifices garantissant habituellement au spectateur un certain confort, faisant au contraire de lui le complice, si pas le grand ordonnateur, d’une débauche de violence sadique allant crescendo. Si le dispositif mis en place est parfois un peu trop explicite – en particulier lorsque le réalisateur opère un rewind sur une scène, pour mieux relancer ensuite sa mécanique destructrice -, l’ensemble n’en reste pas moins intensément « malaisant ». Voilà le spectateur pris au piège de son propre (dé)plaisir, offert ici en miroir dans une mise en scène glaciale et ultra-réaliste qui, si elle laisse la violence physique hors-champ, n’en atténue aucunement l’impact pour autant.

Profondément inconfortable, l’expérience témoigne combien Funny Games U.S. a préservé, dix ans plus tard, la force déstabilisante de l’original, comme son affolante pertinence. Elle souligne aussi, dans sa radicalité affirmée, le caractère singulier de la démarche de Michael Haneke, auteur dont le propos apparaît irréductible à un système de production, autrichien, français ou, aujourd’hui, américain. Enfin, comment ne pas voir dans la confection même de ce remake l’application définitive d’un postulat affirmé dans le film, celui qui, à l’écran, voyait le scénario se refermer en boucle, laissant le spectateur otage d’un jeu terrifiant qu’il aurait lui-même initié, same player engagé dans une partie sans fin? Soufflant, pour le moins.

JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

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