Pirate Bay condamné, une question vient à l’esprit: et si le téléchargement pirate était en réalité utilisé comme arme de promotion massive? Démonstration.

Si la récente condamnation (qui pourrait être annulée pour cause de conflit d’intérêt du juge) à 2,69 millions d’euros d’amende et un an de prison prononcée envers les quatre responsables du site Internet Pirate Bay constitue une incontestable victoire (même si un appel a évidemment été introduit et qu’il faudra peut-être des années avant la sentence définitive) pour les sociétés qui défendent les droits d’auteurs, elle a surtout le mérite de relancer le débat sur le téléchargement illégal.

Et, en corollaire, de nuancer un peu les points de vue. Car, en cette matière, l’opposition entre les « bons » artistes volés et les « vilains » téléchargeurs pirates se révèle à l’autopsie caricaturale. Il ne serait même plus tout à fait incongru d’affirmer que certains musiciens instrumentalisent peut-être les techniques de téléchargement à des fins marketing.

Quelques exemples… En juin dernier, cinq mois avant la sortie de l’album de Guns’n Roses, neuf titres de Chinese Democracy font l’objet d’une « fuite » sur le web. Résultat: un buzz mondial et viral qui parle de la sortie prochaine du disque. Du pain promotionnel bénit pour cet objet attendu depuis quatorze ans puisque l’on venait d’apprendre que le chanteur Axl Rose ne donnerait aucune interview pour défendre ses nouvelles chansons. Drôle de coïncidence!

Autre cas intéressant: quelques semaines avant la sortie du nouveau U2 (photo), No line on the horizon, un employé de leur firme de disques en Australie, suite à une « erreur de manipulation », aurait mis le disque à disposition sur Internet durant quelques heures. Juste le temps qu’il se propage… Juste le temps de le faire savoir aussi, et donc de générer gratuitement une campagne marketing d’envergure mondiale. Ainsi donc la sortie la plus attendue de l’année aurait traîné là, sur le bureau d’un employé? Qui, ne voyant pas qu’il s’agissait du nouveau U2, l’aurait envoyé de son propre chef sur un site d’Universal Music sans en référer à personne.

Pub sans frais

Difficile à croire. D’autant plus que la bande à Bono est une habituée des fuites organisées pour faire parler de ses disques à moindres frais. On se souviendra que peu avant la sortie d’ Achtung Baby (1991), le groupe s’était soi-disant fait voler les cassettes (autre temps, autres supports) master de l’enregistrement en question. Là aussi, personne n’a jamais entendu le fin mot de l’histoire. Mais ce vol supposé, relayé aveuglément par tous les médias du globe, a assuré au combo une jolie campagne de publicité sans frais.

Bref, nous pourrions être à un tournant de l’histoire. Où l’industrie du disque, gangrenée par le piratage (cela reste bien entendu un fait avéré, et pas question de s’en réjouir) s’apprête à utiliser le téléchargement dit illégal comme un outil de promotion. Au profit des gros vendeurs exclusivement. Car les médias ne se soucieraient bien entendu pas du vol du nouveau disque de jeunes artistes encore inconnus, et n’en parleraient donc pas. C’est un peu le monde à l’envers. En effet, alors que les petits labels voyaient dans le Net un moyen de faire connaître leurs artistes (certes avec des (in)fortunes diverses), les voilà donc à la merci d’une mainmise sur la Toile par des multinationales qui font la chasse aux contrevenants en plein jour mais ne se privent pas d’entretenir le crime en coulisse… Et dire que l’on avait cru un moment que David pourrait vivre, ne fut-ce que décemment, dans l’ombre de Goliath…

Mao Boy

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