ALICE IN PORNOLAND – Alan Moore aura mis 16 ans pour publier Lost Girls dans sa totalité. Une tentative sulfureuse de donner ses lettres de noblesse à la pornographie.

D’ Alan Moore et Melinda Gebbie, chez Delcourt, 320 pages. Sortie prévue le 19/03.

« Une sorte de Bollywood d’une laideur sordide. » C’est ainsi qu’Alan Moore, qui a révolutionné le comics américain, décrit la situation du sexe en tant que genre littéraire à la fin des années 1980. Le père de V for Vendetta, Watchmen et From Hell se fixe alors un objectif ambitieux: donner ses lettres de noblesse à la pornographie.

Le projet Lost Girls part d’une vague idée: une version porno de Peter Pan,  » basée sur la conception freudienne selon laquelle les rêves dans lesquels on vole sont des rêves d’expression sexuelle« . C’est en discutant avec la dessinatrice Melinda Gebbie que la trame se déploiera, avec la Wendy Darling du roman de J.M. Barrie tout d’abord, puis la jeune fille d’ Alice au pays des merveilles, enfin la Dorothy Gale du Magicien d’Oz.

Trois archétypes de la très jeune fille, dont Alan Moore revisite les aventures sous un angle radicalement neuf. L’occasion de révéler les « vrais » débuts de ces histoires: Alice se laisse tripoter par un adulte ressemblant au lapin pressé; Dorothy a son premier orgasme en se caressant durant la tempête qui l’emporte au pays d’Oz; Peter Pan visite la chambre de Wendy et ses frères et les initie aux joies du sexe de groupe.

ENFANTS NON ADMIS

Or, c’est là que le bât blesse. La pornographie infantile est un thème des plus risqués. Aux Etats-Unis, Lost Girls a mis 16 ans pour paraître dans sa totalité, même si son propos n’était pas illégal – les USA ne prohibent que l’implication d’un enfant dans la production même de l’£uvre (un film, par exemple). En France, où les Editions Delcourt prévoyaient de l’éditer avant de renoncer puis de relancer le processus, le code pénal punit de 75 000 euros d’amende et de cinq ans de prison la « diffusion d’une représentation à caractère pornographique d’un mineur ». De quoi inciter les éditeurs à une certaine prudence. La version Delcourt est d’ailleurs « strictement destinée aux adultes ».

Au-delà de la polémique, Lost Girls est un chef-d’£uvre de plus d’Alan Moore. Son écriture est toujours aussi précise, fouillée et puissante. Il joue sur plusieurs registres en fonction des personnages, servi en cela par le dessin tout en nuances de Melinda Gebbie. Une véritable £uvre à quatre mains. Et quand ces mains ont du génie…

VINCENT DEGREZ

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