Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

MALGRÉ QUELQUES OPTIONS CHEESY, SANTANA REVIENT EN VERSION TONIQUE VIA LA FORMATION ÉPOQUE WOODSTOCK, POUR UNE DOSE MASSIVE DE GUITARE CALIENTE.

Santana

« Santana IV »

DISTRIBUÉ PAR V2 RECORDS.

7

Disons-le d’emblée: on n’a guère d’histoire commune avec Santana. Bien que ne dédaignant pas quelques rescapés du rock de Lascaux (Tim Buckley, Jimi Hendrix), la guitare affolée de Carlos Santana plane sans nous depuis quasi un demi-siècle. Difficile néanmoins d’échapper à son tube de 1976, Europa, instrumental larmoyant etruée garantie aux soirées de frotti-frotta interethniques seventies. Né en juillet 1947 dans une petite ville mexicaine ayant aussi enfanté le serial killer Juan Corona, Carlos Santana a le pedigree mixte qui rencontre parfaitement l’époque. Celle de Woodstock où le guitariste débarque barbichette triomphante, grinçant des dents et des cordes sur Soul Sacrifice. Morceau emblématique dynamité par une escouade de percussionnistes exaltés, dont le batteur de 20 ans Michael Shrieve. Le solo de ce dernier sera le chakra faisant glisser le groupe dans la légende, premier ou presque à pratiquer la fusion dure entre rock psyché et rythmes latins. Le succès s’avère considérable, et pas seulement chez les hippies ricains: Santana triomphe du Japon à l’Amérique latine sous l’influence du bon Carlos, guitar hero vite recouvert de Grammys et de tubes à la Oye Como Va.

Reliefs de peyotl

En 2014, (Carlos) Santana ramenait Ziggy Marley et Gloria Estefan dans les filets de l’album Corazón: là, il est carrément parti à la pêche au gros, rapatriant pour la première fois depuis 1971 et Santana III, le casting de Woodstock. Le batteur-métronome Shrieve mais aussi les historiques Gregg Rolie (claviers), Neal Schon (guitare) et Michael Carabello (percussion), tous bien sexagénaires. L’âge de la retraite ne semble pourtant pas d’actualité: bien que réputé végétarien, Carlos a bouffé du lion et entraîne son gang de prépensionnés dans une sarabande latino aux éminentes vertus festives. Evidemment, plus personne ne fait de la musique comme ça aujourd’hui, prototypes de jams déchaînées sur des reliefs de peyotl. Soit de longues enfilades d’orgue Hammond, de rythmiques marathoniennes et de vocaux hyperconcentrés, dont deux titres distinguant Ronald Isley, des frères du même nom. Le tout au service de Carlos et de l’autre guitariste, bourrés d’envies acides et de filiations psychédéliques et latines. Le meilleur d’un album trop long de 20 minutes arrive quand le groove l’emporte sur les falbalas: l’hypnose haut perchée de Fillmore East, la niaque traitée aux bongos de Freedom in Your Mind, c’est mieux que la ballade Sueños, remake raté d’Europa. Alors, tout cela semble démodéet l’est probablement, mais Santana IV, à condition d’aimer les rasades de guitare électrique, c’est plaisant. Voire un brin jouissif.

PHILIPPE CORNET

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