Dans l’univers de la musique comme dans le monde du sport, la retraite anticipée se transforme souvent en pause carrière. Lily Allen sur les traces de Justine Henin?

Coup de tonnerre sur la pop anglaise. Le 24 septembre dernier, moins d’un mois après la disparition d’Oasis, Lily Allen affirmait sa décision d’arrêter la musique. « Il y aura éventuellement de nouvelles parutions de morceaux déjà enregistrés mais je n’ai plus l’intention de composer de nouveaux titres », déclarait la petite peste en précisant qu’elle n’avait pas renouvelé son contrat avec EMI.

Tempête dans un verre d’eau? L’agent de la brunette a très vite tempéré. Ce qui est sûr, c’est que Lily veut changer d’air et va jouer dans Reasons to be pretty, une pièce de théâtre de Neil LaBute qui raconte les démêlés sentimentaux et existentiels de 4 jeunes gens mal à l’aise dans leurs corps et mal embarqués dans leur vie de tous les jours. « Des thèmes, dit-elle , qui lui sont très chers. »

Plus rapide que Lily, il y a Stéphanie Sokolinski. SoKo, c’est l’histoire d’un buzz. Celui d’ I’ll kill her, un morceau plébiscité par les internautes, matraqué sur les ondes. La jeune fille a énormément tourné mais son premier album, qui devait sortir au printemps, n’a toujours pas vu le jour. D’après Because, sa maison de disques, la Française voulait y apporter quelques modifications, réenregistrer. La vérité semble tout autre. Depuis de longs mois, sur le blog de la jeune femme, l’humeur était devenue cafardeuse. Son travail de comédienne (on la verra bientôt à l’affiche d’ A l’Origine de Xavier Giannoli, présenté à Cannes) lui manquait et l’anti-folkeuse s’est installée à Los Angeles.  » Je n’ai jamais voulu faire partie de l’industrie musicale. Raconter mes histoires à plein de gens que je ne connais pas me semble particulièrement égocentrique en fait. J’ai enregistré mon album dans un studio qui a coûté beaucoup d’argent mais je préférais mon groupe garage crade. Je n’avais plus d’argent à dépenser et je me suis dit que c’était un signe. Ce disque sortira peut-être dans 10 ou 20 ans mais pas maintenant. »

Les frères Dewaele, dont elle introduisait le DVD Part of the weekend never dies, nous l’avaient déjà fait remarquer: SoKo sait ce qu’elle veut. Ou en tout cas ce qu’elle ne veut pas. On peut jouer les vieux cons. Se dire que les jeunes d’aujourd’hui ne mordent plus jamais sur leur chique. Qu’ils sont blasés. Font un métier formidable et tournent les talons devant les contrariétés. Or, dans le fond, ce sont ces gamins qui ont tout compris. Ils tracent leur route. Sans se laisser chier dans les bottes. Guidés par leur seule humeur.

Coup de mou

Il existe évidemment autant de groupes que de raisons de décrocher. On envoie tout promener quand le succès boude. Quand on ne vend pas de disque – euh, pardon, quand on ne se fait pas télécharger. Quand on n’a pas un chat à ses concerts. Et donc pas un rond pour payer ses factures. On envoie tout promener aussi quand on est devenu une star. Qu’on ne peut plus sortir dans la rue. Qu’on est l’objet de toutes les attentions. Considéré comme un dieu. Amené à commenter l’actualité politique et économique comme si on en était un spécialiste.

Même ceux qui jouent volontairement la carte people finissent par se laisser bouffer. Les artistes souffrent mentalement. Les artistes morflent physiquement. Et quand ils s’éclipsent, c’est parfois aussi pour des raisons de santé. Essorés. Pressés. Vidés. Ereintés par les concerts, la promo, la route. Leur train-train à eux quoi.

A plusieurs, c’est encore pire. Un groupe doit surmonter les égos, les tensions, la vie les uns sur les autres. Pas toujours évident même quand on fait de la musique avec son frangin. Faux départ, vrais adieux? On ne parierait même pas le dernier album des Editors que Liam et Noel ont définitivement rayé Oasis de la carte. Finiront bien par se rabibocher les Gallagher quand ils auront picolé toutes leurs économies. Car même quand le c£ur y est, même quand on a décidé de tirer un trait, le compte en banque finit par ramener à la dure réalité. Demandez aux Stooges et aux Pixies…

Coup de pub

Dans le chef de certains, comme Robert Smith et The Cure, Chris Martin et Coldplay, ou même Johnny Hallyday, annoncer que son album est le dernier, qu’on monte une ultime fois sur les planches, est devenu depuis des années une spécialité. Sans doute une stratégie pour nous pousser à casquer. Rendre l’événement particulier.  » Attention, faut l’acheter ce disque, faut le dégoter ce billet. Celui-là, c’est vraiment le dernier.  »

Même les rappeurs sont dans le coup. En 2003, Jay-Z avait annoncé qu’il arrêtait la musique après son Black Album. Il avait même donné un concert d’adieu au Madison Square Garden avec des invités aussi prestigieux que R Kelly, Pharrell Williams, Mary J Blige et évidemment sa moitié, Beyoncé.

A y regarder de plus près, le monde de la musique, c’est le reflet de notre société. Une loupe. Un miroir grossissant. On ne fait plus carrière dans une seule boîte. On finit tôt ou tard par changer de secteur. On n’hésite pas non plus, avec beaucoup plus de thune que les autres en poche, à prendre une pause carrière pour faire le tour du monde et avoir des gosses. SoKo et Lily Allen, ce sont un peu les Kim et les Justine de la pop. Gagneront-elles seulement un jour un tournoi du grand chelem?

Texte Julien Broquet

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