Le cinéma aime se moquer de l’armée. Pour mieux éveiller les consciences? Cours d’histoire et revue des troupes. Du soldat charlot au militaire hippie.

Depuis quelques jours, George Clooney, Jeff Bridges, Kevin Spacey et Ewan McGregor délirent sur nos écrans dans The Men Who Stare At Goats. Une comédie barge, basée sur des faits réels, évoquant la formation par l’armée américaine d’une unité spéciale de soldats jedi amenés à explorer et développer leurs pouvoirs psychiques. Un uppercut à la tête déjà bien secouée de ceux qui nous dirigent? Moins qu’un film pacifiste.  » Je n’ai pas de problème à l’idée que le gouvernement dépense de l’argent à de pareils programmes, commente le réalisateur Grant Heslov. Qu’on y croit ou pas, tout moyen qu’on puisse trouver de combattre les guerres meurtrières mérite qu’on s’y intéresse. Ces soldats, aussi farfelus qu’ils puissent sembler, avaient de louables intentions. »

Comme ils disaient dans La Guerre des Tuques,  » la guerre, c’est pas une raison pour se faire mal. » Ni une raison de ne pas rire. D’ailleurs, cela fait longtemps déjà que le cinéma se poile dans les tranchées. Avec des desseins parfois bien éloignés de ce qu’on pourrait imaginer.

Charlot entre à l’armée (enfin façon de parler) en 1918, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Chaplin a eu des doutes quant à l’idée de tirer une £uvre drôle d’une telle catastrophe pour l’humanité mais son film prouve combien peut parfois être ténue la frontière entre comédie et tragédie. Charlot Soldat évoque avec intelligence et finesse le mal du pays, la faim, le danger et la mort sous le prisme de l’humour mais il est loin de se moquer des hommes au combat. Au contraire, il leur rend hommage.

Pour replacer les choses dans leur contexte, Chaplin milite à l’époque pour l’effort de guerre. En 1916, il parcourt même les Etats-Unis avec Douglas Fairbanks et Mary Pickford pour vendre les fameux bons, soutiens aux forces armées. Ses détracteurs font alors feu de tout bois. Parlent d’un engagement superficiel. Lui reprochent de ne pas servir sous le drapeau. Il se battra avec son art. Histoire de rendre le moral aux troupes. La guerre est terminée mais il reste les gueules cassées. Ceux qui n’oublieront jamais.

Changer de camp

Toujours sur la balle, en prise avec son époque, Chaplin sortira Le Dictateur aux Etats-Unis dès l’automne 1940 mais d’autres préfèrent le décalage et abordent les conflits avec le recul du temps. C’est le cas de Bustor Keaton qui traite de la guerre de sécession avec Le Mécano de la General (1927). Ou encore de MASH, sorti en 1970 et qui situe son action pendant la Guerre de Corée, soit dans les années 50. Robert Altman a pourtant bien les deux pieds dans les seventies. Son film fait écho à la réalité de la jeunesse. Les Etats-Unis patinent au Vietnam et le mouvement hippie est en pleine effervescence. Deux phénomènes que ne peut résolument ignorer Hollywood. Jusque-là, l’usine à rêve avait suscité l’engouement patriotique avec des productions mobilisatrices. Elle décide alors de changer de camp. De fusil d’épaule. Et se met à critiquer ouvertement la guerre et l’armée. De L’Or pour les braves participe à ce nouvel état d’esprit avec sa morale façon « quitte à me faire trouer la peau, autant que ce soit les poches pleines ». Principe que remettra 30 ans plus tard au goût du jour Les Rois du désert.

Dans l’Hexagone aussi, on aime bien se moquer des trouffions. Les cons-crits ont envahi les écrans avec leurs casques trop grands et leur humour vaseux pour devenir les stars incontestables du cinéma français de série B (voire C ou D) dans les années 70. A l’époque, Claude Zidi déconne avec les Bidasses. Robert Lamoureux dirige les mésaventures de la septième compagnie. Mais il est vrai qu’on a surtout envie d’oublier tout ce pan navrant de la comédie franchouillarde. En se souvenant tout de même que des navets se sont intitulés Soldat Duroc, ça va être ta fête, Marche pas sur mes lacets et Comment se faire réformer?

Texte Julien Broquet

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