Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ESTELLE QUEL – Le secret le mieux gardé de la soul made in England ne l’est plus. Mais pour cela, il a fallu qu’Estelle s’envole pour l’Amérique…

« Shine »

Distribué par Atlantic/Warner. En concert, le 6/07, à Rock Werchter.

Estelle revient de loin. Née Fanta Estelle Swaray en 1980, à Londres, d’une mère sénégalaise et d’un père venu de la Grenade, elle avait sorti un premier album en 2004, intitulé The 18th Day. Un disque plutôt réussi, déclenchant un mini-buzz. Cela ne l’empêchera pas de se fâcher avec sa maison de disques de l’époque, qui ne tardera pas à rendre son contrat à la forte tête… Retour à la case départ. Une nouvelle fois, la soul made in England échouait à se faire une place à côté de l’ogre américain. Seules exceptions depuis, mais spectaculaires: Amy Winehouse, Joss Stone, ou les plus récentes Adele ou Duffy. Toutes anglaises. Toutes blanches…

On ne donnait donc pas cher de la peau (d’ébène) d’Estelle, disparue sans laisser d’adresse. La voilà pourtant bel et bien de retour. Shine, son nouvel album, commence par un sample du trot satanique et funèbre d’ I Put Spell On You, de Screamin’ Jay Hawkins. Mais dès le morceau suivant, c’est bien à Faith, album de la renaissance de George Michael, qu’elle emprunte les mots. Ironie du sort: pour se relancer et briser la malédiction qui touche les sujets de sa Majesté, il a donc fallu que la demoiselle déménage aux… Etats-Unis.

UNE ANGLAISE à NEW YORK

Déjà présent sur The 18th Day, John Legend, superstar de la nu soul US, a signé la Londonienne sur son label, Home School Records. Le patron se signale d’ailleurs plusieurs fois tout au long de Shine, que ce soit au micro ou derrière les curseurs de producteur. Egalement de la partie, Will.I.Am (Black Eyed Peas), Wyclef Jean (Fugees), ou Cee-Lo (Gnarls Barkley) sur une liste d’invités, en haut de laquelle trône évidemment l’incontournable Kanye West. Il joue parfaitement le jeu sur l’imparable American Boy, mais c’est bien elle qui mène la danse sur ce qui est déjà un des singles de l’année.

On aurait pu croire que loin du bercail, Estelle Swaray se serait fondue dans le moule américain. Tout au long de Shine, elle ne cesse au contraire de revendiquer ses racines. Et pas seulement en collaborant sur un titre avec Mark Ronson (producteur de Winehouse).  » This is English chic, I show you how to walk », rappe-t-elle sur l’excellent SoMuch Out The Way,  » I’m from London, Call me Big Ben », insiste-t-elle sur Shine, quand elle n’évoque pas l’été anglais avec une chanson appelée In The Rain… Clairement, la demoiselle rentre parfaitement dans le cadre posé par John Legend. Mais là où la soul classe de l’Américain devient parfois classieuse, celle de l’Anglaise garde toujours un petit côté plus brut. Cela se retrouve également par un passage reggae ( Magnificent, Come Over), musique qui a toujours davantage touché Londres que Los Angeles. Ailleurs encore, quand elle se met aux ballades, Estelle oublie d’être sirupeuse, comme c’est trop souvent le cas dans le R’n’B américain, pour se rapprocher d’une version pop de Jill Scott ( Back In Love).

Il y a surtout cette manière d’être légère comme une bulle, sans être inconsistante. Cela tient à peu de choses, on en est bien conscient. Etre pop n’est plus donné à tout le monde de nos jours. Estelle y arrive pourtant avec une étonnante facilité. Et puis, si Shine n’est peut-être pas un chef-d’£uvre, il pourrait bien servir d’étalon ou de prototype à la soul anglaise pour retisser des liens avec le grand frère américain. Sans se trahir ou se sentir obligée d’être blanche…

www.estellemusic.com

LAURENT HOEBRECHTS

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