NED BENSON DÉCLINE UNE MÊME HISTOIRE EN DEUX FILMS SENSIBLES, PLONGEANT AU MASCULIN ET AU FÉMININ DANS L’INTIMITÉ D’UN COUPLE CONFRONTÉ À UN DRAME.

The Disappearance of Eleanor Rigby: Him & Her

UNE HISTOIRE D’AMOUR EN DEUX FILMS DE NED BENSON. AVEC JESSICA CHASTAIN, JAMES MCAVOY, ISABELLE HUPPERT. 1 H 35 ET 1 H 45. SORTIE: 07/01.

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Derrière ce titre de film qui résonnera familièrement aux oreilles des fans des Beatles se cache une expérience de cinéma assurément peu banale. S’attelant à l’histoire de Conor et Eleanor, un couple new-yorkais qu’une tragédie plonge dans une crise aiguë, le réalisateur américain Ned Benson a décidé de la décliner non pas en un, mais bien en deux films, adoptant successivement les points de vue masculin (Him, interprété par James McAvoy) et féminin (Her, incarnée par Jessica Chastain (lire son interview page 22))(1). Un dispositif inédit (même si vaguement réminiscent de la trilogie des couleurs de Kieslowksi, ou de celle de Lucas Belvaux) qui s’avère on ne peut plus concluant, les deux versions s’enrichissant mutuellement. Autonomes, Him et Her sont ainsi indissociables, et ne s’apprécient pleinement qu’au regard l’un de l’autre, tant ils se complètent en un tout harmonieux.

Le désarroi d’un couple

« All the lonely people, where do they all come from »: la mélancolie diffuse imprégnant ce vers de Eleanor Rigby est aussi celle qui préside à ces deux films, relatant une histoire d’amour chancelant sous le coup de la fatalité -la perte d’un jeune enfant en l’occurrence. Mais alors que pour Conor, il s’agit de continuer à vivre, Eleanor a pour sa part décidé de faire table rase du passé, le traumatisme les ayant laissés étrangers l’un à l’autre comme à eux-mêmes, sans qu’il y ait là forcément un désaccord définitif…

S’adaptant à leur subjectivité et à leur temporalité respectives, Ned Benson signe deux films délicats, composant la chronique sensible du désarroi et de la vulnérabilité d’un couple. Si chaque partie repose sur des choix esthétiques différents -couleurs froides et rythme fluide pour lui, restaurateur toujours en mouvement; couleurs chaudes et tempo plus relâché pour elle, dont la vie semble en suspension-, le concept n’écrase pas pour autant le propos. Il émane ainsi de The Disappearance of Eleanor Rigby un troublant sentiment de justesse, auquel n’est pas étranger, bien sûr, le doigté de Benson, transparaissant aussi bien dans le regard pudique qu’il pose sur le drame ayant frappé ses personnages, que dans sa façon d’assembler les pièces de leur puzzle intime. Un puzzle auquel Jessica Chastain et James McAvoy (bien encadrés par William Hurt, Viola Davis ou encore Isabelle Huppert, le verre de vin vissé à la main) apportent une intensité rare, réussissant à faire exister leur couple de cinéma au-delà de la toile. De leur partition à deux voix résulte une émotion sincère et profonde, venue discrètement étreindre le spectateur…

(1) IL EXISTE ENCORE UNE TROISIÈME VERSION DE L’HISTOIRE, THEM, FAISANT LA SYNTHÈSE DES DEUX AUTRES. IMAGINE, LE DISTRIBUTEUR BELGE DU FILM, A JUDICIEUSEMENT CHOISI DE S’EN TENIR À LA DÉCLINAISON ORIGINALE DU PROJET, LES SALLES PROGRAMMANT EN ALTERNANCE HIM ET HER, QUI PEUVENT ÊTRE VUS DANS UN ORDRE INDIFFÉRENT.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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