Ultraviolent et anxiogène, le dernier clip de Justice a mis le feu au buzz. Chef-d’ouvre ou boule puante?

La rumeur qui galopait dans les couloirs du Net depuis quelques semaines ne mentait donc pas, le nouveau clip du duo électro Justice fait mal aux yeux et aux oreilles. Le titre du morceau, Stress, annonce la couleur. Grise comme une barre HLM, noire comme une âme carbonisée. Sur fond de musique anxiogène aux envolées stridentes, on assiste avec effroi à l’expédition punitive d’un groupe de jeunes de banlieue à Paris. Au programme: violences à gogo.

D’un pas énergique, sanglés dans leurs blousons frappés du logo en forme de croix de Justice, ils avancent têtes baissées, regards vides, distribuant coups de pieds et coups de poing à la cantonade. Tout le monde y a droit, passants, touristes, flics ou voitures. Nausée et dégoût en vue.

Pour ajouter encore à la tension, la scène est filmée à l’épaule comme si une équipe de télévision suivait la joyeuse bande dans la perspective d’un juteux reportage calibré pour le 20 Heures. Mais à jouer avec le feu de la complicité, on finit par brûler son capital innocence. Insatiable, la meute se jette ainsi sur la caméra pour une ultime ratonnade, la plus symbolique. Manière de dire que le scénario peut à tout moment déraper. Et les créatures se retourner contre le dieu image qui les a mises au monde…

TABULA RASA

Un court-métrage hardcore signé Romain Gavras (le fils de l’autre), actif au sein du collectif Kourtrajmé. Nom de code d’un bastion d’artistes militants (Kassovitz et Cassel en font partie) abonné aux films coups de poing. Explosif, ce cocktail (Molotov) d’images réservé au départ au Net (MTV a cependant déjà annoncé vouloir le diffuser) nous agresse autant par le déchaînement de haine gratuite que par l’accumulation frénétique de références. Kubrick ( Orange mécanique), Balavoine (la vidéo de Quand on arrive en ville), Aphex Twin (le clip Come to Daddy), plus toute la litanie de clichés médiatiquement usés (violence quotidienne des JT, représentations caricaturales et ethniques de la « caillera » des banlieues dans les médias, etc.) se télescopent à l’écran. Un déluge stroboscopique qui brouille la vue. Et met le feu aux forums. Où pros et antis s’échangent des amabilités. Un tohu-bohu alimenté par l’absence de position claire. Le montage du clip (flip?) laisse en effet la porte ouverte à toutes les lectures, de l’appel au crime à la critique radicale d’un système fonçant dans le mur. La ligne rouge entre la dénonciation et l’apologie n’est pas clairement tracée. Rien de fortuit ou de maladroit dans le chef du clippeur. Conformément à une stratégie musclée consistant à porter la caricature à ébullition, une recette étrennée avec La haine, le flou est sciemment entretenu. Motif: coller au plus prêt d’une réalité urbaine en lambeaux.

Justice met ainsi le doigt dans un engrenage risqué. Les frenchies démontrent une fois encore leur habilité à faire parler d’eux. Mais sont-ils les mieux placés, eux les papes de la hype parisienne, pour jouer les… justiciers? Il leur manque la street credibility pour ne pas laisser un goût désagréable de récupération. Gare, certains pourraient vouloir se faire justice eux-mêmes…

Clip à voir sur www.youtube.com

LA CHRONIQUE DE LAURENT raphaël

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